Aujourd’hui, « médecin, c’est un métier de femmes. À l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), 59 % des médecins sont des femmes, mais elles ne représentent que 35 % des hospitalo-universitaires (HU) et ne sont que 35,6 % à être cheffes de service », rappelle la Pr Gaëtane Nocturne, immuno-rhumatologue à Bicêtre. Côté gouvernance, le bilan n’est guère plus glorieux puisque les femmes ne représentent que 45 % des médecins dans les commissions médicales d’établissement locales et les comités consultatifs médicaux. Moindre encore est leur présence dans les activités de recherche, où l’AP-HP ne recense que 30,5 % de directrices de départements médico-universitaires.
Malgré tout, les choses bougent. Depuis la loi du 19 juillet 2023 visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, « il est devenu illégal d’avoir un ratio aussi faible », souligne la Pr Nocturne. Le texte oblige les établissements à procéder à des nominations équilibrées. Ce qui passe par le recours aux quotas, « même si c’est encore un gros mot », sourit la spécialiste.
Un plan d’action de 30 leviers
Dans ce contexte, et dans le cadre de son plan d’action « 30 leviers pour agir ensemble » (charte égalité, formations à l’égalité, référent égalité, objectifs de nomination équilibrée sur les chefferies de pôle/service, mentorat pour favoriser l’accès aux responsabilités ou aux carrières HU), l’AP-HP s’est engagée depuis 2023 dans une politique d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Pour y parvenir, elle s’est dotée d’un plan pour 2023-2025 « qui engage une série d’actions pour transformer durablement les mentalités et encourager une véritable culture de l’égalité professionnelle à l’AP-HP », renchérit Vannessa Fage-Moreel, DRH du CHU. Outre le podcast « Santé-vous légitimes » et l’émission « 50/50 » qui vise, en interne, à rappeler aux femmes leur légitimité à accéder à des postes à responsabilité, une convention a été signée en mars avec l’association « Donner des elles à la santé », développant, entre autres axes, un programme de mentorat pour leur favoriser l’accès aux responsabilités ou aux carrières HU. « Parce que le mentorat, cela s’apprend, tant pour la mentor que pour la mentorée. Ce n’est pas une activité où l’on est en contact tous les jours, ce n’est ni du tutorat ni du coaching », insiste la Pr Cécile Badoual, anatomopathologiste, cheffe de département à Gustave-Roussy et vice-présidente de l’association. Ce sont deux femmes, qui, à des moments respectifs de leur vie et de leur parcours professionnel, échangent, précisent et définissent les objectifs et les choix de carrière de la postulante, que ce soit en matière de recherche ou d’encadrement d’un service hospitalier, développe la Pr Badoual.
Lutter contre le syndrome de l’imposteur
Le syndrome de l’imposteur reste un obstacle bien réel, même chez les jeunes générations. « Beaucoup de femmes ne se sentent pas encore légitimes et ont besoin d’aide pour choisir d’être cheffe de service. Idem pour les porteuses de projets de recherche clinique. La première chose que je leur dis, c’est : “allez-y, vous avez le droit d’avoir des idées” », confirme la Dr Coralie Bloch, médecin interniste référente égalité femmes-hommes de la direction de la recherche clinique et de l’innovation de l’AP-HP. Reste que sur ces cinq dernières années, les femmes ne représentaient que 30 % des porteurs de projet de recherche…
Il faut leur donner les armes pour se défendre face aux comportements discriminatoires et sexistes qui peuvent exister dans un rapport hiérarchique
Pr Sabine Sarnacki, doyenne de l’université Paris-Cité
Dans le cadre du plan de mentorat qui se met en place à l’Inserm, Chantal Boulanger « encourage les femmes à postuler aux postes de direction d’unité de recherche. Si l’institut compte environ 5 000 personnes, dont 60 % de femmes, elles exercent davantage des fonctions d’ingénierie ou de technicité que de recherche. Et au plus haut niveau, elles ne sont que 20 % », tacle la directrice de l’institut thématique Physiopathologie, métabolisme, nutrition, glissant au passage que l’Inserm, malgré soixante ans d’existence, n’a jamais connu une seule PDG à sa tête.
« Nous avons un autre rôle essentiel : donner les armes nécessaires aux candidates pour se défendre face aux comportements discriminatoires et sexistes qui peuvent exister dans un rapport hiérarchique, et servir, peut-être, de référence », souligne également la Pr Sabine Sarnacki, spécialiste de la chirurgie infantile à Necker-Enfants malades. Citant son exemple personnel et rendant hommage à Francine Leca, pionnière de la chirurgie cardiaque pédiatrique, celle qui est également la nouvelle doyenne de l’université Paris-Cité se souvient qu’à l’orée des années 1970, il n’y avait pas beaucoup de modèles inspirants pour les jeunes femmes médecins qui voulaient conjuguer responsabilités et recherche. Ce qui ne les a pas empêchées de tracer un sillon d’excellence. Un chemin que les nouvelles générations ne devraient plus avoir à gravir seules.
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