80 % des femmes médecins déclarent avoir été victimes de comportements sexistes au sein de l'hôpital

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Publié le 07/04/2022

Crédit photo : S.Toubon

85 % des femmes médecins se sont senties discriminées au cours de leur carrière à l'hôpital, à cause de leur genre, et 80 % y ont été victimes de comportements sexistes. Des chiffres « sans appel », révélé par un baromètre* Ipsos réalisé pour l'association « Donner des Elles à la santé », engagée dans l’avancée de l’égalité femmes/hommes et la lutte contre les stéréotypes de genre.

Le niveau global de satisfaction des femmes quant à leur carrière professionnelle reste systématiquement en deçà de celui des hommes, révèle le sondage. 61 % des praticiennes sont satisfaites de leurs perspectives d'évolution, contre 68 % des médecins hommes ; 60 % du respect de la parité dans les postes à responsabilité, contre 84 % de leurs collègues masculins ; et 51 % de l’équilibre entre leur vie privée et professionnelle, contre 66 % de leurs confrères…

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De même, les jeunes femmes médecins (moins de 45 ans) sont plus nombreuses à avoir envisagé de « quitter leur poste » à l'hôpital au cours des trois derniers mois : 41 % ont eu cette envie de démissionner du secteur public pour une activité en clinique (vs 34% de leurs confrères), 45 % ont envisagé d'abandonner leurs fonctions hospitalières pour un exercice en cabinet (vs 35 % des hommes) pour et 37 % imaginent même ne plus du tout exercer en santé (contre 27 % des répondants masculins).

L'internat, période exposée

Le sondage se concentre ensuite sur les discriminations de genre, mais aussi les comportements et propos sexistes que peuvent subir les femmes médecins. Des faits qui restent à un niveau très élevé : 85 % d'entre elles se sont déjà senties discriminées du fait de leur genre dans leurs parcours (contre 87 % en 2020), dont 42 % ont le sentiment de l'avoir été « beaucoup » (36 % en 2020).

C'est au moment de l'internat que les femmes médecins interrogées se sont senties le plus discriminées (59 %). Viennent ensuite l'externat (55 %), les premières années de carrière (51 %) et le clinicat ou l'assistanat (48 %). Les trois premières années d'études (externat) semblent plus épargnées par le phénomène (37 %).

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Les médecins hommes ont également une conscience « bien moins forte » de la réalité de ces comportements discriminatoires, note l'association. Ainsi, 72 % des femmes estiment que leurs collègues sont « plus sollicités dans des activités de représentation », contre seulement 47 % des principaux concernés. Et 68 % des femmes pensent « qu'à travail égal, les hommes seront plus valorisés », contre 34 % de leurs confrères…

De même, 65 % des femmes se sont vu dire que « la maternité et la vie de famille les empêcheront de postuler aux postes à responsabilité », contre 44 % des hommes. Enfin, 42 % estiment que leurs tâches sont « en dessous de leurs capacités », contre 24 % des hommes. « Ce plafond de verre auquel se heurtent les femmes médecins représente un réel frein pour leur carrière et leur ambition professionnelle », souligne l'association.

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17 % déjà agressées sexuellement

Plus grave, les propos et comportements sexistes « s'intensifient », selon cette enquête : 80 % des femmes médecins ont déjà subi ce type de comportements (propos choquants, gestes inappropriés). Un tiers des sondées ont été victimes de gestes à connotation sexuelle voire d'attouchements.

Près de 7 femmes sur 10 ont déjà vécu « des paroles, attitudes, commentaires, blagues à connotation sexiste », les mettant mal à l’aise ou en colère sur « leurs compétences professionnelles, leur physique, leur apparence ou leur tenue vestimentaire ».

53 % ont déjà connu des questions « intrusives et répétées » sur leur vie privée ou sexuelle, 39 % des comportements intrusifs pour obtenir un numéro de téléphone ou un rendez-vous. Un quart a fait face à « des pressions pour obtenir des faveurs sexuelles », et 17 % des situations d'agression sexuelle.

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Ipsos

 

Les stéréotypes ont la vie dure chez les médecins hospitaliers. Près de 3/4 des médecins (hommes et femmes) interrogés estiment qu'il est « plus difficile pour une femme de réussir une carrière à l’hôpital » car elle doit accepter de sacrifier en partie sa vie de famille.

La moitié des sondés estiment que les gens « exagèrent » les inégalités entre les sexes à l'hôpital et que, le plus souvent, les femmes n'ont « pas les mêmes carrières par choix et de leur plein gré ». 44 % des sondés estiment que dans le milieu hospitalier « les hommes sont naturellement plus ambitieux que les femmes » ou encore « qu'une femme avec du pouvoir a tendance à en abuser » (22 %). 15 % adhèrent même à l'idée que les femmes ont des « capacités de résistance physique et psychologique moins importantes », ce qui explique leurs moindres postes à responsabilités au sein des hôpitaux.

Charte pour l'égalité

Dans le même temps, seuls 30 % des médecins interrogés indiquent que l’établissement dans lequel ils travaillent a communiqué au sujet du harcèlement sexuel (initiatives mises en place, invitation à dénoncer des situations). Pourtant, plus de la moitié d'entre eux sont en demande et jugent « important » de mettre en place des mesures ciblées pour l’égalité femmes/hommes comme des communications régulières (74 %), la mise en place d’une charte pour l’égalité (69 %) ou encore « l’élaboration d’un plan d’action validé par les instances du personnel » (67 %).

41 % des PH interrogés se disent prêts à se mobiliser en faveur de l’égalité femmes/homme en rejoignant une association comme « Donnez des Elles à la santé », et 43 % seraient prêts à lancer la démarche égalité dans leur propre établissement. « La démarche d’égalité femmes/hommes à l’hôpital doit se poursuivre, plaide la Dr Géraldine Pignot, urologue et présidente de « Donner des Elles ».(...) Il en va de l’efficience de ce système, de la performance de nos établissements et avant tout de la qualité des soins que nous pouvons apporter aux patients. »

* Échantillon représentatif de 521 médecins hospitaliers (dont 225 femmes) interrogé en ligne du 2 février au 2 mars 2022 selon la méthode des quotas.


Source : lequotidiendumedecin.fr