Après l'annonce fin septembre du plan national sur la sécurité des soignants par Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, place à sa déclinaison rapide dans les territoires.
L’agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) a ainsi présenté mardi 10 octobre son plan d’action pour améliorer la sécurité des soignants à l’hôpital Nord (Hôpitaux universitaires de Marseille, AP-HM). Ces mesures représentent un investissement de six millions d’euros d'ici à la fin d'année, soit le double de l’enveloppe consacrée jusqu’à présent à la sécurisation des établissements, « avec la perspective de renouveler ce doublement en 2024 », explique Denis Robin, DG de l'ARS Paca.
Bond des signalements
Entre 2020 et 2022, les signalements d’agressions et d’actes de violence en établissement de santé ont bondi de 40 % en Paca (1 140 déclarations en 2020, 1 410 en 2021 et 1 600 en 2022), selon les données de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS). En 2023, on recense déjà 501 atteintes aux personnes au sein de l'AP-HM – dont 63 % sont des injures, insultes et provocations, 22 % des menaces et 15 % des agressions physiques. Le CHU compte aussi 419 atteintes aux biens.
Ces agressions et incivilités concernent principalement les hôpitaux publics, et en particulier les services d’urgences et de psychiatrie. En juin, l’ARS Paca a interrogé les établissements de la région : selon cette enquête flash, 60 % d'entre eux demandent de renforcer la vidéosurveillance et le contrôle d’accès. 40 % réclament des dispositifs d’alarme et d’alerte ainsi que des renforts périmétriques (murs, clôture, éclairage, barrière), 30 % veulent muscler leurs équipes de sécurité et 20 % souhaitent développer la formation.
Élargir le soutien à la médecine de ville
Dans le cadre de ce plan régional, 31 établissements seront accompagnés par l’ARS. Étonnamment, l’hôpital d’Avignon ne fait pas partie de cette liste bien que le Vaucluse – avec les Bouches-du-Rhône – soit l’un des départements les plus touchés, toujours selon l'ARS. « Il ne nous a pas fait de demande », affirme le DG. Par ailleurs, « seulement 30 % des établissements ont signé une convention sécurité justice qui permet de faciliter les dépôts de plainte », précise le DG de l’ARS.
« La grande action de 2024 va être d’élargir le plan régional à la médecine de ville », précise encore Denis Robin. Même si la médecine libérale « ne fait pas beaucoup de signalements, nous savons par les Ordres qu’il y a une dégradation de la sécurité des soignants de ville. »
Vidéosurveillance
Quoi qu'il en soit, l’AP-HM obtiendra dès cette année 1,3 million. « Cette violence n’a rien d’inéluctable », insiste François Crémieux, directeur général du CHU marseillais. La plus grosse partie de ces financements porteront sur la sécurisation de l’exercice des professionnels ». L'objectif est de renforcer par exemple la sécurité des bâtiments et les abords des sites, dès l’entrée des campus hospitaliers, y compris le parking grâce à des caméras de vidéosurveillance et des agents de sécurité. « L’hôpital reste un endroit libre d’accès mais cela ne veut pas dire sans contrôle d’accès », insiste François Crémieux.
À l’approche des Jeux Olympiques, « ces points de faiblesse de l’hôpital ont été identifiés », complète le Pr Stéphane Berdah, président de la CME locale à l'hôpital Nord. Post-Covid déjà, des mesures avaient été instaurées. « Tous les services ont une porte à l’entrée qui puisse fermer, explique le Pr Berdah. Ça paraît banal mais avant la majorité des services étaient ouverts aux quatre vents. Il faut que le soignant se sente aussi en sécurité, dans de bonnes conditions de travail et qu’il sache absorber l’agressivité d’un patient pour ne surtout pas la renvoyer. »
Débriefing
Ce plan, « c’est une excellente nouvelle », salue la Dr Aurélia Bordais, cheffe de service des urgences à l'hôpital Nord. Des formations y ont été instaurées il y a deux ans pour les médecins et les paramédicaux, incluant des mises en situation. « Les retours sont très positifs, souligne la Dr Bordais. Le débriefing d’équipe sur des situations tendues et difficiles peut être aussi très utile ». Des médiateurs aux côtés d’agents de sécurité, ainsi que des soignants qui font le lien avec la zone de soins, ont été positionnés en salle d’attente. Cette dynamique doit être amplifiée.
« On est très proactif sur la déclaration d'événements indésirables, complète la cheffe des urgences. Et nous essayons de sensibiliser les soignants en leur expliquant que la violence ne doit pas être acceptée, qu’ils ont le droit de dire qu’ils ont été violentés. Le faire remonter permet d’avancer. » Une plateforme de déclaration en ligne est accessible via l’intranet.
Il est aussi possible de se mettre en lien avec Wanda Wrona, commissaire de police détachée à l’AP-HM en tant que directrice adjointe chargée de la sécurité. Depuis l’été 2022 déjà, le CHU marseillais dépose plainte au nom des agents qui le souhaitent lorsqu’ils ont été victimes d’injures, menaces ou violences.
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