« Martin Hirsch [patron de l'AP-HP] nous l'a dit hier : notre département médico-universitaire doit recevoir 150 000 euros. L'hôpital Bicêtre aura cette somme à condition de rattraper le codage qui n'a pas été fait et de ne pas continuer la grève. Clairement, c'est une mesure punitive. »
Lors de la dernière assemblée générale du collectif inter-hôpitaux (CIH), qui a officialisé la démission de plus de 1 000 praticiens hospitaliers de leurs fonctions administratives, le Pr Xavier Mariette a jeté un pavé dans la mare en évoquant certains dommages collatéraux pour les équipes soignantes, dans le cadre de la grève des médecins du CIH et des paramédicaux du collectif inter-urgences (CIU).
Le chef de service de rhumatologie de Bicêtre n'a pas été le seul à faire état de « pressions » diverses sur les équipes. « On m'a rapporté des situations de menace et d'intimidation sur les salaires des personnels, a témoigné le Dr Sophie Crozier, neurologue à la Pitié-Salpêtrière. Il y a eu des échanges écrits où il est question de ne pas attribuer aux équipes en grève du codage des financements pour des traitements très coûteux. C'est une intimidation assez forte. » « Ils s'en prennent à nos secrétaires parce qu'ils n'osent pas s'en prendre à nous, ils leur font croire qu'elles ne seront pas payées, a même abondé un troisième. C'est pour nous intimider en faisant de la désinformation sur les salaires. »
Piqûre de rappel à Bichat
Lancée le 14 octobre, la grève du codage provoque de nombreux remous dans les couloirs des 39 hôpitaux de l'AP-HP. Le 24 janvier, un document interne que s'est procuré « Le Quotidien », à l'attention de l'« encadrement soignant » de l'AP-HP « Nord » (le groupe hospitalier du nord de Paris qui regroupe 8 établissements), a fait office d'une piqûre de rappel aux personnels paramédicaux concernant leurs « obligations en matière de cotation des actes et de l'activité ».
« La direction et l'encadrement peuvent demander à un professionnel, quel qu'il soit, de coter ou de coder des actes (...), lit-on dans cette note signée par le DRH du groupe hospitalier. Le respect des consignes passées en ce sens constitue donc une obligation ». Dès lors, « tout manquement injustifié à l'obligation d'obéissance hiérarchique expose l'agent à une sanction disciplinaire, voire à une retenue sur rémunération pour absence de service fait ».
Manque à gagner
La direction rappelle au passage les conséquences de la grève du codage « pour la prise en charge des patients, notamment pour les examens demandés en urgence, pour lesquels il n'y aurait pas de traçabilité », ainsi que les répercussions financières de la non-cotation des actes pour le groupe hospitalier. « Ce manque à gagner [non chiffré, NDLR] couvre aussi bien les aspects financiers de valorisation de l'activité que le calcul des dotations publiques qui sont souvent basées sur l'étendue des files actives. L'absence de cotation pénalise donc principalement le GHU AP-HP.Nord au profit d'autres structures et nous fragilise donc collectivement. »
Interrogée ce mardi lors de ses vœux à la presse, Agnès Buzyn s'est employée à calmer le jeu au sujet d'éventuelles sanctions dans les hôpitaux liées d'une part à la grève du codage et d'autre part aux démissions des médecins de leurs fonctions administratives. « Je ne suis pas du tout dans une démarche de sanction, absolument pas. Nous sommes face à des soignants en souffrance, a-t-elle temporisé. Le but est de leur montrer que nous sommes à leurs côtés, que nous déployons un plan d'urgence très sérieux. »
50 démissions à Rennes
Alors qu'une nouvelle journée de mobilisation hospitalière est prévue le 14 février, le collectif inter-hôpitaux (CIH) s'est réuni dimanche 26 janvier en assemblée générale pour définir les suites à donner au mouvement (à Paris et localement).
La grève du codage a été reconduite, « partout où la communauté médicale est suffisamment forte pour résister au chantage » des directions, a indiqué le Pr André Grimaldi à l'AFP, confirmant l'existence de « menaces de sanctions disciplinaires » ou « de ne plus payer des médicaments très chers ».
Le collectif inter-hôpitaux a également décidé de passer à l'acte et d'envoyer cette semaine des lettres de « démissions collectives signées individuellement » aux directions de leurs établissements respectifs. Une cinquantaine de médecins et chefs de service du CHU de Rennes ont mis à exécution cette menace lundi 27 janvier.
Selon le Dr Hervé Léna, médecin démissionnaire rennais, les praticiens protestent notamment contre « la tarification à l'activité qui est un goulet d'étranglement absolument phénoménal, la diminution du financement global de la santé et des missions qui n'arrêtent pas d'augmenter sans qu'il n'y ait des ressources en regard ».
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