Confrontés à la fuite de leurs chirurgiens, les établissements publics se posent la question de leur attractivité. 5 530 chirurgiens exercent à l'hôpital public avec le statut de PH, selon les statistiques du Centre national de gestion (CNG).
« La spécialité présente le deuxième taux de vacance derrière la radiologie avec 28 % de postes non pourvus », a déclaré sa directrice Danielle Toupillier lors d'un colloque d'Avenir Hospitalier. S'agit-il d'une désaffection passagère ou d'une crise des vocations ?
« Les spécialités chirurgicales demeurent prisées par les étudiants mais elles sont choisies un peu plus tardivement, du fait de la féminisation du corps médical », observe le Dr Nicole Smolski, président d'Action praticiens hôpital. Le regard porté sur la discipline a changé et les chirurgiens vivent une sensation de déclassement. « Il y a une perte relative du prestige de la spécialité, affirme le Dr Smolski devant la cinquantaine de chirurgiens présents. Vous étiez la profession reine avec les plus gros revenus en libéral, ce n'est plus le cas. Les jeunes ne considèrent plus la chirurgie comme un don de soi absolu. »
La situation est devenue difficile à l'hôpital, qui peine à recruter. Or, il y a urgence. « Sur les 5 530 PH à temps plein recensés par le CNG, 86 % seront partis à la retraite en 2020, détaille le Pr Hervé Thomazeau, du CHU de Rennes, et il nous faudra leur trouver des remplaçants. Or, les jeunes s'installent beaucoup plus en libéral qu'en public. »
Une politique de recrutement offensive des cliniques
Le gouvernement a bien mis en place un plan d'attractivité pour l'hôpital public en proposant des primes lors de la prise de fonction des jeunes PH et un avancement d'échelon. Ces mesures représentent 55 000 euros sur l'ensemble de la carrière, calcule le Dr Smolski mais pour l'instant, la chirurgie ne rentre pas dans les spécialités déficitaires.
« Il y a une désaffection des jeunes pour la chirurgie, observe Marc-Olivier Gauci, assistant en chirurgie orthopédique à Nice et président du conseil national des jeunes chirurgiens (CNJC). Entre 2000 et 2015, les effectifs de chirurgiens ont augmenté de 88 % en libéral mais de 8 % dans les CHU. »
L'hôpital public a singulièrement perdu en attractivité et le début d'exercice y est devenu très difficile.
« Le premier poste hospitalier, quand on sort du DES, met du temps à arriver, explique le président du CNJC. Les jeunes sont souvent praticiens hospitaliers contractuels et finalement, au bout de deux ans, ils n'obtiennent pas de poste ! Nous n'avons aucune visibilité à l'hôpital, pas de certitude sur un poste de PH à échéance, tandis que les cliniques ont des chasseurs de têtes qui viennent nous chercher. »
Les futurs chirurgiens sont parfois sollicités dès l'internat par les groupes privés. « Quand ils nous veulent, ils nous proposent des postes que nous sommes sûrs d'avoir à la sortie ». Avec un argument de taille : une rémunération très avantageuse. Alors qu'un chef de clinique est rémunéré environ 4 000 euros par mois (avec gardes) et retombe souvent à l'échelon de PH le plus bas à l'hôpital, il peut obtenir un salaire mensuel entre « 10 000 ou 15 000 euros net » en clinique, affirme Marc-Olivier Gauci.
« L'hôpital est identifié comme un lieu de formation mais il pâtit de sa lourdeur administrative et organisationnelle, il doit se réinventer et avoir une politique de recrutement plus agressive », conclut Baptiste Boukebous, président de l'Intersyndicat national des internes (ISNI).
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