Trois médecins hospitaliers étaient auditionnés par la commission des affaires sociales du Sénat le 4 janvier. Et ont décrit la situation de l'hôpital sous le même angle, celui de la perte de sens des praticiens hospitaliers et des soignants, de la prédominance des administratifs dans la gouvernance.
HPST, Copermo...
Selon le Pr Michaël Peyromaure, chef du service d’urologie à l’hôpital Cochin (Paris), la plus grande évolution de l'hôpital ces vingt dernières années a été la montée en puissance du pouvoir administratif : désormais, « les soignants sont à la merci des gestionnaires qui imposent toutes les règles, jusqu'à s'immiscer même dans les types de soins ». Cette évolution avait été engagée quelques années avant la T2A en 2007, la loi HPST survenue en 2009 et le Copermo en 2012.
Pôles, performance...
Le Pr Stéphane Velut, neurochirurgien au Chu de Tours, évoque l'apparition des pôles qui n'ont fait que rajouter des couches administratives de décision. Le Copermo (qui contient le terme de performance) a conduit à la restructuration de plusieurs hôpitaux, indique Stéphane Velut, soit une baisse de 100 000 lits et donc de 350 000 postes de soignants en moins sur vingt ans. « Cela correspond pour le praticien à un management par délégation de responsabilité, c'est-à-dire de réaliser plus d'actes, mais avec moins de moyens », explique le neurochirurgien. Et de mettre en lumière le ressenti des soignants qui ont l'impression que la réalisation du bénéfice n'est plus le résultat de notre travail, mais en est devenu le but.
Blouses blanches soumises ou démises
Ce constat est réaffirmé par le Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste, pour lequel « nous sommes passés de l'autonomie des mandarins à l'autocratie des managers ». Et de pointer du doigt la nomination des chefs de service par les directions d'établissement : « Les blouses blanches sont soit soumises, soit démises, avec des jeux de concurrence entre les services. » D'ailleurs, le Dr Kierzek souligne la nécessité de réformer de façon urgente la gouvernance de l'hôpital et des ARS « qu'il faut absolument remédicaliser ». Car selon lui, les présidents de CME élus doivent rendre des comptes et sont déconnectés de la réalité médicale. Pire, il dénonce le fait que la médecine de proximité disparaît progressivement avec les déserts médicaux et la fermeture des services d'urgence. La loi sur les hôpitaux de proximité (2019) qui sont « des espèces d'hôpitaux Potemkine » n'a pas apporté de solution. In fine, selon le Dr Kierzek, l'instauration du forfait urgences va « continuer de culpabiliser les gens qui vont hésiter à s'y rendre, même pour des AVC ou des problèmes cardiaques ».
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique