Face au silence, elles ont choisi la parole. Deux médecins biologistes PU-PH – Florence Boitrelle, cheffe de service et responsable d’un centre français d’assistance médicale à la procréation, présidente de la commission éthique et déontologie de sa faculté (UFR Simone Veil Santé, UVSQ) et Marion Bandayan, spécialisée en biologie de la reproduction et andrologie, qui enseigne à l’UFR Simone Veil Santé – ont créé l’association médico-sociale et éducative Be&Believe. Objectif : orienter et soutenir les victimes de violences sexistes, sexuelles et morales dans les hôpitaux et les facultés.
« Malgré le mouvement #MeToo, on observe que les victimes de harcèlement ont toujours de grosses réticences à témoigner. Bien souvent, elles préfèrent rester dans le silence par peur de représailles ou par peur de voir leur carrière compromise. Avec Be&Believe, notre but est d’informer les victimes, de leur donner des clés pour savoir quels sont les leviers à activer et les orienter, selon leurs besoins, vers les démarches à entreprendre », explique la Pr Florence Boitrelle, co-fondatrice de l’association, qui souhaite accompagner les nouvelles générations de soignants dans un cadre « plus bienveillant et respectueux ».
Harcèlements sexuels et morals, discriminations
Née officiellement le 8 mars 2025 – journée internationale des droits des femmes, date hautement symbolique – l’association a vu le jour à l’hôpital de Poissy (Yvelines). « On y réfléchissait depuis près d’un an. Ayant nous-mêmes subi des expériences négatives, on voulait faire quelque chose et mettre fin à ce silence, cette omerta toujours très présente dans le secteur de la santé », explique la Pr Florence Boitrelle, également déléguée aux violences sexuelles et sexistes à l’université de Saint-Quentin en Yvelines.
Ce qui les a poussées à franchir le pas ? L’accumulation d’histoires et de témoignages conservés dans les couloirs des hôpitaux et des facultés. « En tant que déléguée aux violences, je reçois tous les jours des témoignages d’étudiantes et d’étudiants victimes de violences. Ils me disent que lors de leurs stages, ils font régulièrement l’objet de remarques du style : “Elle est bonasse la nouvelle interne”, “Tu as des gros seins” ou encore “Ne te penches pas comme ça, ça me donne envie”. Ce ne sont pas des cas isolés : ces propos sont omniprésents. Et le pire, c’est qu’on finit par s’y habituer, comme si cela faisait partie du quotidien », déplore-t-elle.
Outre les violences sexistes et sexuelles, les remarques humiliantes et le harcèlement moral font encore partie du quotidien de nombreux hôpitaux et services hospitaliers. « Or, rabaisser quelqu’un à longueur de journée est tout aussi destructeur : “Elle est nulle”, “c’est une merde”, sont des propos qu’on entend régulièrement dans les services hospitaliers », regrette la PU-PH.
Les discriminations liées à la maternité sont aussi répandues dans les carrières hospitalo-universitaires, comme l’ont illustré plusieurs études. « Quand on est une femme médecin, on réfléchit à quand tomber enceinte pour ne pas “déranger”, témoigne-t-elle. Dans ce milieu, les contraintes sont très fortes et une grossesse est souvent mal perçue. »
Un réseau interconnecté dans les facs et les hôpitaux
Pour casser cet engrenage délétère, les deux PU-PH ont mis à profit leurs connaissances et leurs expériences pour que leur association devienne un relais au service des victimes – des étudiants aux soignants en poste. « Nous souhaitons mettre en place des ambassadeurs “Be&Believe” qui pourront être facilement identifiés dans tous les lieux de formation : écoles de sages-femmes, école de manipulation radio, facs de droit et de médecine ainsi que dans les hôpitaux », précise encore Florence Boitrelle. L’objectif est que chaque victime, étudiante, interne, praticienne ou même enseignante sache vers qui s’adresser. « On ne s’adresse pas uniquement aux étudiants car ce n’est pas parce qu’un praticien est déjà en poste qu’il est à l’abri du harcèlement. Cela peut survenir partout et tout le temps : en cours, en stage, il n’y a pas de règle », rappelle la cofondatrice.
À l’université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ) où 20 000 étudiants sont inscrits, un travail a déjà été engagé par l’association. « On va “placarder” à la rentrée des affiches un peu partout pour être bien visible sur le campus, l’idée est qu’on soit identifiable rapidement », précisent-elles. Les besoins sont là. « Nous n’avons pas encore officiellement lancé notre communication mais déjà une trentaine de cas nous ont été remontés dans les Yvelines », affirme la Pr Florence Boitrelle.
Les deux cofondatrices, qui comptent aussi beaucoup sur le bouche à oreille pour se faire connaître, ambitionnent d’élargir leurs actions et de faire de leur association un projet pilote. « Notre but est d’arriver à porter ce projet à Paris-Saclay, dont nous faisons partie, et de le développer ensuite dans toutes les universités françaises. » Des communications auprès des ministères de tutelle sont prévues. Avec le même but : briser l’omerta.
Antennes, filières SAS et régulation par le 15 : l’aggiornamento des urgences
Réforme des EVC : les Padhue restent sur leur faim
Régularisation des Padhue : le gouvernement tient ses promesses, voici ce qui va changer
Conflit entre la CFDT et les cliniques sur les revalorisations de salaires : coup d’envoi d’une longue procédure