Les assises nationales des Ehpad, qui viennent de se tenir à Paris, l’ont confirmé : la situation financière du secteur est catastrophique avec près des deux tiers des établissements publics et privés en déficit (60 %), en dépit des crédits publics injectés ponctuellement comme le fonds d’urgence de 100 millions d’euros débloqué en juillet 2023.
Inflation, hausse des charges plus rapide sur les recettes, défiance, frilosité des investisseurs privés… : c’est l’ensemble du modèle qui se retrouve remis en question, alors que la tuyauterie de financement du grand âge est jugée unanimement trop complexe, reposant à la fois sur les résidents (et les familles) pour l’hébergement, les départements pour la partie dépendance et les ARS (via les fonds de l’Assurance-maladie) pour la partie des dotations soins.
Rustines inefficaces et besoin de ressources
Selon Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), « les coûts actuels et surtout à venir sont tels que la solidarité nationale ne suffira pas. Il faudra un financement supplémentaire, à condition qu’il s’inscrive sur le long terme et soit équitable. » La création en 2021 de la cinquième branche dédiée à l’autonomie n’apporte pas encore les ressources supplémentaires suffisantes, juge-t-il.
Les pouvoirs publics se retrouvent devant un casse-tête face à ce modèle inadapté issu des années 2000, et régulièrement sous perfusion. L’ancien Premier ministre Édouard Philippe, invité aux Assises nationales des Ehpad, a lui-même jugé que le dispositif de gouvernance et de financement de la perte d’autonomie était trop « intriqué et complexe ».
« Le modèle économique est périmé, tous les financeurs sont à bout de ce qu'ils peuvent faire », abonde auprès de l'AFP Didier Sapy, directeur général de la Fnaqpa, la fédération nationale des organismes gestionnaires d'établissements pour personnes âgées à but non lucratif. « Les rustines sont inefficaces sur le long terme, c'est comme mettre du carburant dans un réservoir percé. Ca ne peut plus durer comme ça ».
Nouvelles règles du jeu attendues
En attendant la loi de programmation sur le grand âge – promise par le gouvernement précédent mais dans les limbes – deux premiers leviers « techniques » de réforme de la tarification sont prévus : la fusion des forfaits soins et dépendance des Ehpad et une plus grande souplesse dans la fixation des tarifs d’hébergement des établissements habilités à l’aide sociale.
Sur le premier volet, 23 départements doivent entrer dans une phase expérimentale à partir du 1er janvier 2025, permettant de couvrir un quart du territoire (soit 500 Ehpad). Sur le deuxième volet, les établissements habilités à l’aide sociale n’auront plus à demander aux départements l’autorisation de moduler leurs tarifs en fonction des revenus des résidents. Toutefois, les décrets de mise en application attendus en juillet ne sont toujours pas parus.
Une offre plus lisible ?
Selon Sylvain Rabuel, PDG du groupe d’Ehpad privés Domus Vi, cette première clarification de la tarification « va déjà changer la vie des personnes âgées et de leurs familles en simplifiant les prix, la compréhension des factures, en rendant les tarifs plus comparables entre établissements et l’offre plus transparente », alors que règne souvent l’opacité dans ce domaine.
L’offre sera également plus lisible pour les industriels du secteur avec, espère-t-on, une meilleure prévisibilité du chiffre d’affaires « dépendance ». Quant à l’équité territoriale, la fusion « soins et dépendance » doit permettre de réduire, voire de mettre fin, aux écarts entre les tarifs dépendance qui peuvent varier de 1 à 10 (les écarts de tarifs de soin allant du simple au double). Reste que cette réforme technique ne réglera pas tout, loin s’en faut. Selon Didier Sapy, « elle ne concerne que 35 % de notre budget à moyens constants. Nos problèmes sont structurels et se situent plutôt sur l’hébergement, le gîte et le couvert d’un côté, et sur le soin de l’autre. »
L’expérimentation de la fusion soins et dépendance sur cinq ans est par ailleurs jugée trop longue. Marc Bourquin, conseiller stratégique à la Fédération hospitalière de France (FHF), propose de changer de braquet, pointant l’absurdité du système actuel de tuyauterie budgétaire. « Il n’a jamais été possible dans le travail d’une aide-soignante de distinguer les tâches relevant du soin et de la dépendance, illustre-t-il. Cela a fait perdre un temps considérable de réunion. » D’autres doutes demeurent. Stéphane Corbin, ancien directeur général adjoint solidarité du conseil départemental de Seine-Saint-Denis (93,) s’interroge sur « la valeur du point GIR départemental » (référence qui permet de calculer le forfait dépendance des établissements) qui « reste à clarifier ».
Quant à la question du reste à charge en Ehpad, cruciale pour les résidents et les familles, elle demeure l’angle mort à ce stade des discussions. Pour Pierre Roux, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), ce sont avant tout des « choix politiques et des choix de société ».
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