« L'alimentation, l'hygiène, c'est bien gentil, mais le sujet, c'est le soin et la santé. Sauf que la direction nous fait barrage dès qu'on s'intéresse aux événements indésirables graves. On en a, du chemin à faire, pour que vous reconnaissiez le travail des représentants d'usagers ! »
C'est sous les applaudissements d'une centaine de personnes que ce patient aux cheveux blancs du Val-de-Marne a achevé son intervention au 10e congrès des usagers de la branche MCO de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP-MCO). Au cœur du débat : la place et le rôle des représentants des usagers (RU) dans les établissements.
Sur le papier
Depuis 1999 et le lancement par la Haute autorité de santé (HAS) de la procédure de certification des hôpitaux et cliniques (après la V2014, la V2020 est dans les tuyaux), les usagers de santé ont pris du galon dans l'évaluation des bonnes pratiques et la démarche qualité (droits et parcours du patient, management de la qualité, gestion des risques). Sur le papier, ils siègent au sein de diverses instances et commissions internes. Mais sur le terrain, beaucoup reste à faire.
Comme son homologue du Val-de-Marne, Marie, ancienne aide-soignante RU dans l'Est, la soixantaine, déplore le fait d'être cantonnée dans sa clinique « aux audits sur la restauration du self et aux groupes de travail sur les opérations mains propres ». La gestion des risques paramédicaux et médicaux l'intéresse mais elle ne sait pas comment faire passer le message à la direction. En parler aux médecins ? « Ils sont libéraux et n'ont pas de temps à perdre, on les voit à peine ! », regrette-t-elle.
Dire que les établissements MCO se refusent à jouer le jeu de la transparence avec les usagers serait exagéré. Mais, reconnaît le Dr Alexandra Fourcade, à la tête du bureau des usagers de l'offre de soins au ministère de la Santé (DGOS), « il faut enterrer la culture du secret si l'on veut progresser sur le rôle et la place des usagers dans le système de santé ». La spécialiste de santé publique rappelle que l'accès aux événements indésirables graves (EIG), aux réclamations et aux plaintes est déjà « inscrit dans les textes » qui définissent les missions de la commission des usagers (CDU), installée dans chaque établissement public et privé pour représenter les patients et leur famille.
Pénurie
Le « blues » des représentants des usagers (RU) les plus militants est alimenté par une réalité crue : le manque d'implication des patients dans des instances pourtant créées spécifiquement pour eux. La réglementation impose quatre RU par clinique. Mais « 30 % des établissements ont des difficultés à trouver des usagers pour remplir les CDU », souligne Alexis Vervialle, chargé de mission « offre de soins » à France Assos Santé.
Cette pénurie de bonnes volontés fragilise le développement du « patient traceur », méthode que la HAS veut développer dans la V2020. Elle permet d’analyser de manière rétrospective la qualité et la sécurité de la prise en charge d’un malade tout au long de son parcours dans l’établissement ainsi que la collaboration interprofessionnelle et interdisciplinaire. En pratique, cela consiste pour un des 450 visiteurs experts (anciens médecins, directeurs, cadres de santé, etc.) mandatés par la HAS à suivre de A à Z le parcours d'un patient sélectionné, de l'interviewer sur sa prise en charge et d'analyser les données avec les soignants sur place.
La HAS fait entre un et 15 patients traceurs par établissement par an. « Sur le terrain, je n'ai rencontré que très peu de représentants d'usagers impliqués dans cette nouvelle méthode », constate Lætitia Buscoz, directrice du BAQIMEHP (Bureau de l'assurance qualité et de l'information médico-économique de l'hospitalisation privée). Les enjeux sont pourtant importants. « Le rôle du représentant des usagers est de participer à la certification et non uniquement de s'informer dans les instances », confirme Anne Chevrier, chef du service certification des établissements à la HAS.
Manque d'intérêt pour la démarche ou défaut d'informations ? À la retraite, ce médecin devenu visiteur expert de la HAS est catégorique : « Rencontrer les RU en visite, c'est le pensum ! Ils sont pleins de bonne volonté mais ils n'ont rien compris au principe de certification. »
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