Afin de lutter contre les difficultés d'accès à l'avortement dans certains territoires en manque de médecins, les sages-femmes vont être autorisées à pratiquer l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en milieu hospitalier.
Un décret généralisant cette pratique jusqu'ici expérimentale est paru le 17 décembre au « Journal officiel ». Il entre en application au lendemain de sa publication. Cette nouvelle compétence accordée aux sages-femmes a été expérimentée tout au long de l'année 2023 dans 26 établissements pilotes.
Cette évolution du champ d'action des sages-femmes répond à une demande de la profession faite à l'occasion de l'élection présidentielle de 2022.
Toujours un médecin dans le coin
Désormais, les sages-femmes pourront comme les médecins pratiquer l'IVG instrumentale jusqu'à seize semaines d'aménorrhée, soit quatorze semaines de grossesse.
L'article premier du décret précise que les professionnelles ne pourront pratiquer une IVG instrumentale que dans des établissements un minimum pourvu en médecins. « L'organisation de l'établissement de santé permet l'intervention, sur site et dans des délais compatibles avec les impératifs de sécurité des soins, d'un médecin compétent en matière d'interruptions volontaires de grossesse par méthode instrumentale, d'un gynécologue-obstétricien et d'un anesthésiste-réanimateur, lit-on. Elle permet la prise en charge, sur site ou par convention avec un autre établissement de santé, des embolisations artérielles, dans des délais compatibles avec les impératifs de sécurité des soins, par des médecins justifiant d'une formation et d'une expérience dans la pratique de ces actes. »
Le gouvernement a également décidé d’une revalorisation de 25 % des tarifs versés aux établissements de santé pour la réalisation des IVG, qui n’avaient pas été revus depuis 2016.
Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a salué sur le réseau social X (ex-Twitter) « une avancée concrète pour un droit à protéger tous les jours ».
Ces annonces sont intervenues en même temps que la présentation en conseil des ministres du projet de loi constitutionnel relatif à la liberté de recourir à l’IVG.
D'autres textes ont joué en faveur d'une extension des compétences des sages-femmes. Elles peuvent depuis le mois d'août vacciner toute la population selon le calendrier vaccinal (sauf les personnes immunodéprimées). Depuis l'automne, les femmes enceintes peuvent également déclarer une sage-femme dite référente chargée de coordonner leur parcours de grossesse.
Un étendard pour le Syngof
Interrogé par le Quotidien, le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof) fait part de son scepticisme. Pour la Dr Pascale Le Pors, cette nouvelle délégation de tâches est « un étendard ». « Peu de sages-femmes sont demandeuses et il existe suffisamment de praticiens pour les IVG instrumentales les plus tardives ». Selon la vice-présidente du syndicat, l'IGV, qui est le plus souvent médicamenteuse, doit justement permettre d'éviter des gestes chirurgicaux en hôpital. Pour elle, le vrai sujet à régler n'est pas de former davantage de sages-femmes à l'IVG instrumentale, mais plutôt de s'assurer qu'elles soient en nombre suffisant au côté des obstétriciens en salles d'accouchement.
Depuis l’autorisation de la pratique de l’IVG médicamenteuse en cabinets privés en 2004, puis en centres de santé et en centres de santé sexuelle (ex-CPEF) en 2009, le nombre d’IVG diminue en milieu hospitalier en raison d’un report de la pratique vers la médecine libérale. Au total, en ville ou en établissements, 72 % des IVG en 2020 sont médicamenteuses, indique la Drees (ministère). Elles étaient 47 % en 2006 et 30 % en 2001.
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