Le ministre de la Santé a souligné mercredi au Sénat que « la justice suit son cours » sur les dérives de l'IHU de Marseille à l'ère Raoult et brandit la menace de sanctions contre les signataires d'une étude dénoncée comme un gigantesque essai clinique illégal. Il répondait ainsi à une interpellation au sujet d'« une inertie des pouvoirs publics » par Bernard Jomier (écologiste, apparenté PS), en référence à une perquisition menée mercredi matin à l'IHU Méditerranée Infection.
« Immédiatement » après un rapport (Igas/Igesr) épinglant des « pratiques aussi bien managériales que de suivi des études cliniques inappropriées, voire déviantes », le gouvernement a saisi le parquet de Marseille en septembre, puis réclamé un « plan de redressement » à la nouvelle direction et aux administrateurs, a-t-il aussi plaidé.
« Épisode inadmissible »
François Braun a déploré « un nouvel épisode inadmissible de cette affaire » avec une étude cosignée par Didier Raoult, portant sur plus de 30 000 patients soignés à l'IHU pendant deux ans et dénoncée dimanche par seize sociétés savantes comme un essai thérapeutique « sauvage ». Cette étude - pas encore publiée dans une revue scientifique ni relue par des pairs, mais simplement mise en ligne en avril - prétend conclure que l'administration d'hydroxychloroquine (ou d'ivermectine) aux patients Covid a réduit leur mortalité. « Devant cette proposition de publication qui s'apparente à de la provocation », avec des patients traités à l'IHU en dehors de tout cadre d'expérimentation clinique et d'utilisation des médicaments puisque utilisés hors autorisation de mise sur le marché, « nous serons amenés à prendre, avec Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur et Recherche), toutes les mesures nécessaires envers l'ensemble des signataires », a-t-il conclu.
Épinglant la « faiblesse de (cette) réponse », le Dr Jomier a répliqué qu'« il y a deux ans, les alertes étaient déjà nombreuses ». « Si l'ensemble des institutions de notre pays et les ministres se sont tus et ont fait preuve de faiblesse, c'est peut-être parce que le chef de l'Était est allé couvrir de sa chaleureuse immunité le patron de l'IHU. Et c'est un dysfonctionnement grave de nos institutions », a-t-il conclu. Le sénateur a annoncé mardi avoir saisi la procureure de Marseille sur les faits dénoncés par les sociétés savantes.
Perquisitions
Mercredi matin, une perquisition a été menée mercredi à l'IHU Méditerranée Infection dans le cadre d'une enquête du parquet de Marseille sur des soupçons d'essais cliniques non autorisés, mais qui ne concerne pas à ce stade le traitement du Covid-19. L'information judiciaire qui a motivé cette perquisition, révélée par le « Journal du dimanche », avait été ouverte en juillet 2022 des chefs de « recherche interventionnelle impliquant une personne humaine (RIPH) non justifiée par sa prise en charge habituelle sans obtention de l'avis du comité de protection des personnes et de l'autorisation de l'ANSM, faux en écriture et usage (de faux) », a précisé le parquet de Marseille dans un communiqué.
Cette enquête venait d'être étendue lundi à quatre autres recherches du même type, notamment pour des faits de « recherche interventionnelle illégale sur mineur ou majeur protégé » et « recherche interventionnelle par personne morale sur une personne sans son consentement conforme », a souligné le parquet. Elle avait été ouverte après des signalements de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui avait saisi la justice au printemps 2022 après avoir rendu un rapport cinglant confirmant largement des révélations de « L'Express » et « Mediapart ».
Aucune mise en examen
Dans une enquête portant sur des faits antérieurs à la crise du Covid-19 et aux polémiques qui avaient accompagné la promotion par Didier Raoult de l'hydroxychloroquine, l'ANSM y fustigeait de « graves manquements » au sein de l'IHU. L'Agence évoquait ainsi des essais engagés plusieurs fois sans obtenir l'avis obligatoire d'un comité indépendant ni, parfois, le consentement de tous les patients examinés, comme par exemple pour des prélèvements rectaux réalisés au début des années 2010 sur des enfants atteints de gastro-entérite sans le consentement de leurs parents. Aucune mise en examen n'a eu lieu pour le moment dans cette enquête, avait précisé le parquet de Marseille à l'AFP fin mai.
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