Ce sont 43 décès inattendus qui ont été recensés par Samu-Urgences de France (Sudf) entre les 1er décembre et 31 janvier derniers. Ces déclarations concernent neuf régions de France et 22 départements et 79 % d'entre elles intéressent des situations survenant au sein du service des urgences et 21 % des situations préhospitalières. « L’importance du nombre de ces situations recensées sur la base du volontariat, et donc non exhaustives, montre s’il était encore nécessaire que la situation dans nos structures d’urgences s’est très nettement dégradée cette dernière année, déplore dans un communiqué le syndicat qui était présidé précédemment par François Braun. Ces conditions d’exercice sont à l’origine d’une maltraitance inégalée tant du côté du patient que de celui des personnels, aboutissant même à une réelle dangerosité. »
Plus encore que le nombre, ce sont les situations décrites dans ce recensement qui sont tristement éloquentes : « patient de 31 ans retrouvé en ACR dans box au SAU/retard de prise en charge lié délais d'attente importants » ; « patient de 77 ans admis pour altération de l’état général, pas de signe de gravité à l’accueil, après cinq heures d’attente sans avoir été vu par un médecin, retrouvé en état de choc, décède rapidement d'un choc cardiogénique » ; « patiente de 99 ans admis dans les suites d'une chute avec TC, découverte d'un HSD + HSA non chirurgical, en attente d'une place en gériatrie, retrouvée décédée en box après 48 heures d’attente au SAU ».
La mortalité générale en France aurait par ailleurs atteint son paroxysme fin décembre, avec une pointe à 2 515 décès journaliers, « soit le 2e chiffre le plus élevé en quatre ans, après avril 2020 ». Une surmortalité en partie liée à la triple épidémie, selon le SudF, mais aussi à la saturation du système de santé qui occasionne « une forme d’autocensure des patients, de renoncement aux soins, voire même de refus de se rendre aux urgences par peur de nos couloirs », précise le syndicat.
Publication d'un nouvel indicateur
Pour sortir de cette spirale infernale, le syndicat propose de mettre en œuvre un « pilotage du processus de l’hospitalisation » dans tous les établissements. Objectif : « préserver une place équilibrée aux activités programmées et non programmées », précise le syndicat. Contacté par « Le Quotidien », son président, le Dr Marc Noizet explique qu’il faut « organiser différemment l’activité programmée ou l’activité d’hospitalisation d’urgence ». Par exemple, plutôt que d’hospitaliser un patient immédiatement, il est possible de « lui donner rendez-vous le lendemain en hôpital de jour pour éviter de bloquer des lits », ajoute-t-il.
SudF réclame également la mise en place d’une remontée nationale du nombre quotidien de patient sur brancard dans chaque service. Proposé par François Braun en 2018, l’ex-président du SudF, cet indicateur serait diffusé à la population, « au même titre que l’était le nombre de décès durant les pics épidémiques Covid ». Il permettrait de savoir « combien il y a de malades dans les services des urgences le matin, quels établissements n’ont pas trouvé de place en hospitalisation », explique le Dr Noizet. Selon lui, c’est ainsi que l’on se rendra véritablement compte si « on a atteint notre objectif », s’il faut, le cas échéant, « trouver d’autres mesures ».
D’autre part, le syndicat demande un plan de fluidification de l’aval des hospitalisations de médecine et de chirurgie. Selon lui, c'est la « seule solution » à même de « donner une nouvelle marge de manœuvre aux établissements de santé » et de « restituer une capacité de soins pour nos citoyens ».
Risque médico-judiciaire
Enfin, le SudF annonce qu’il invitera les chefs de service de structures d’urgence à adresser un courrier à leur directeur général d’ARS afin de« dénoncer l’insécurité de nos structures ». Le but est aussi de prévenir les autorités que « la responsabilité des chefs de service ne pourra pas être retenue dans de telles circonstances, en cas de retard de prise en charge voir de décès lié à l’encombrement de nos services ».
Dans ce genre de circonstances, la responsabilité de l’établissement est évidemment en jeu. Mais « c’est d’abord au praticien que l’on demande des comptes, c’est lui qui est convoqué au tribunal pour répondre des faits », observe le Dr Noizet qui refuse que « les médecins soient les seuls responsables » de cette situation jugée « inacceptable ».
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