Mère d'un enfant de 18 mois, Naomi Musenga est décédée le 29 décembre 2017 à l'hôpital de Strasbourg après avoir été prise en charge avec « un retard global de près de deux heures vingt minutes », selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas).
Se plaignant d'importantes douleurs au ventre, la jeune femme avait pris contact avec les pompiers qui avaient transféré l'appel au Samu. L'échange entre les deux opératrices se faisait déjà « sur un ton moqueur », a relevé l'Igas. « J'ai très mal au ventre », « Je vais mourir… », soufflait ensuite Naomi, peinant à s'exprimer. « Oui vous allez mourir, certainement un jour comme tout le monde », avait rétorqué la régulatrice, employant « un ton dur, intimidant et déplacé face à des demandes d'aide réitérées » toujours selon l'Igas. Avant de raccrocher.
Vague d’indignation après la diffusion des conversations
À l'issue de la conversation, la régulatrice n'avait pas transmis l'appel à un médecin régulateur, contrairement à ce qu'imposait la procédure en cas de douleurs abdominales et n'avait posé « aucune question » pour renseigner « l'état clinique de la patiente », a pointé l'Igas.
Cette affaire avait soulevé une vague d'indignation nationale après la diffusion des enregistrements des conversations téléphoniques quelques mois plus tard dans les médias et sur les réseaux sociaux.
L'opératrice, qui a fait l'objet d'une suspension définitive du Samu, a été mise en examen au cours de l'enquête judiciaire pour non-assistance à personne en danger.
L'enquête avait également été ouverte pour « homicide involontaire ». Mais selon les expertises scientifiques, il n'existe « pas de lien de causalité » entre le retard de prise en charge de la jeune femme et son décès. Naomi Musenga se trouvait déjà « au-delà de toute ressource thérapeutique au moment du premier appel au Samu », précise l'enquête.
Une seule personne mise en cause
Aussi l'opératrice, âgée de 60 ans, devra répondre seulement de non-assistance à personne en danger, pour « ne pas avoir respecté les protocoles » de prise en charge « et les bonnes pratiques » du Samu, selon le parquet. Elle encourt cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Son avocat Olivier Grimaldi conteste ces poursuites et regrette par ailleurs que l'employeur ou les supérieurs de sa cliente n'aient pas été poursuivis.
« On ne peut qu'être surpris qu'elle soit la seule mise en cause dans ce dossier », déclarait-il à l'AFP en mai. « Dans un hôpital, il y a une chaîne de responsabilités. Beaucoup auraient dû faire face à leurs responsabilités, ne pas laisser une agente de catégorie C toute seule face aux faits qui se sont déroulés. »
La famille de la victime a pour sa part exprimé sa satisfaction de voir cette procédure aboutir à un procès. « Nous attendons cela, parce qu'il faut que nous passions à autre chose. Depuis plusieurs années, je n'ai pas eu de vie correcte, je ne pensais qu'à ça tout le temps », a déclaré Louange Musenga, la sœur de la victime. Elle a cependant regretté aussi que l'opératrice soit la seule personne renvoyée devant un tribunal. « Il y a toute une chaîne de responsabilités qui n'a pas été pointée », a-t-elle estimé.
Des dysfonctionnements graves et un diplôme
De fait, le rapport de l'Igas avait signalé de « graves dysfonctionnements » au sein du Samu 67 et déploré qu'aucun « évènement indésirable grave » n'ait été signalé à l’agence régionale de santé (ARS). Son directeur avait démissionné.
En juillet 2019, 18 mois après le décès de Naomi Musenga, avait été créé le diplôme d'assistant de régulation médicale (ARM), désormais obligatoire pour travailler dans les centres de régulation des appels des services d'aide médicale urgente. Le diplôme prévoit une formation de onze mois, dont la moitié sous forme de stages pratiques.
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