Originaire de la région, la Dr Céline Gondouin, médecin généraliste de 38 ans, s’est installée à Luc-en-Diois (Drôme) en 2017. L’hôpital le plus proche de ce village de 500 habitants, à Die – dont les urgences sont ouvertes de jour comme de nuit – est à 30 minutes en voiture et n’a pas de structure mobile d’urgence et de réanimation (Smur). Celui-ci vient le plus souvent de Valence… à une heure et demi de route. Certes, l’hélicoptère peut voler la nuit mais seulement jusqu’à Die.
La généraliste a intégré le réseau des médecins correspondants de Samu (MCS) en 2014, sous l’impulsion d’un confrère lui-même engagé à ce titre, qu’elle remplace à La Motte-Chalancon, secteur à cheval sur les Hautes-Alpes (05). Elle a été formée au centre d’enseignement des soins d’urgence (Cesu, unité fonctionnelle du Samu) et du SimulSanté 05 à l’hôpital de Gap. « Quelques jours après ma formation en simulation, je suis appelée par le Samu pour une femme de 30 ans en arrêt cardiaque dans le centre du village », raconte la Dr Gondouin. « Quand on arrive en zone reculée, ces situations peuvent être traumatisantes si on ne se sent pas en compétence pour les gérer », poursuit la médecin de campagne, aujourd’hui vice-présidente de l’association MCS Drôme-Ardèche.
Prendre le leadership, pas si simple
Durant son internat à Grenoble, la jeune femme avait fait des stages aux urgences, une première expérience très utile mais incomplète. « Dans le milieu hospitalier, on est accompagné d’un infirmier. Et on n'a pas l’habitude de prendre le leadership au milieu d’une équipe de pompiers, de donner des consignes », témoigne-t-elle.
En moyenne, la Dr Gondouin intervient une fois par mois. Le Centre 15 peut l’appeler à tout moment, y compris la nuit et le week-end, tous les jours de l’année. Quand elle est d’astreinte, elle est obligée d’y aller. L’urgence peut aussi frapper à sa porte comme cette fois où un patient souffrant d’une infection pulmonaire, reçu le matin même en consultation, la rappelle le midi. « Il m’avait répondu qu’il n’était pas allergique à l’amoxicilline, raconte la généraliste. Heureusement, j’ai mon matériel dans le coffre, je me suis rendue à son domicile et j’ai pu lui faire une injection d’adrénaline. »
Véritables « avant-coureurs » du Smur dans les zones éloignées, les médecins correspondants du Samu sont équipés d’un moniteur ECG scope et défibrillateur semi-automatique, de médicaments de première urgence ainsi que de matériels biomédicaux pour la pose de voies intra-osseuses ou de voies veineuses périphériques, d'un appareil à dextro, de quoi ventiler, oxygéner ou intuber. Le coût de cette dotation spécifique varie de 15 000 à 20 000 euros.
Collaborateurs occasionnels du service public
« Les médecins correspondants du Samu ne sont pas des urgentistes », nuance le Dr Bernard Audema, vice-président de l’association MCS France. « On les forme à la prise en charge de certaines urgences vitales avant l’arrivée du Smur avec quatre situations emblématiques : l’infarctus, l’arrêt cardiaque, le traumatisme sévère et la douleur sévère », poursuit le généraliste à Avoriaz (Haute-Savoie), lui-même correspondant du Samu. « La présence d’un MCS sur un territoire permet de gagner entre 40 et 60 minutes de prise en charge médicale », ajoute-t-il.
D’après un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), 682 MCS maillaient le territoire en août 2022. Ces derniers interviennent en tant que collaborateurs occasionnels du service public et sont ainsi assurés par l’établissement de santé, siège du Samu.
« Si je suis dispo, j'y vais »
Le Dr Philippe Tora, 55 ans, a rejoint le réseau MCS haut-alpin en 2013, un an après sa création, alors qu'il était déjà médecin pompier. En 2022, à lui seul, il a réalisé 75 interventions, soit plus de 22 % de l’activité des MCS 05, un record. Une jeune consœur est venue renforcer ce secteur cette année. « Je vais finir par avoir tout fait », sourit le généraliste installé à Veynes. « Si je suis dispo, j’y vais, résume-t-il. Et si je suis en train de courir entre midi et deux, je dis aux pompiers de venir me chercher et j’interviens en short. »
Cette activité est une indéniable richesse, qui suppose toutefois une organisation. « Ça me sort complètement de la médecine générale et ça améliore ma pratique quotidienne, explique le Dr Tora. La plupart des interventions durent 30 minutes à une heure. J’ai l’avantage d’être en cabinet de groupe, mes collègues peuvent prendre mes patients en salle d’attente, sinon la secrétaire les décale au soir même ou au lendemain. » Habitué à arriver le premier sur les lieux, le Dr Tora est aussi bien connu des urgentistes locaux. « On est ensemble sur le terrain, on dialogue beaucoup plus facilement », commente-t-il.
Exercice compliqué
En France, environ un million de personnes seraient encore situées à plus de 30 minutes de toute structure d’urgences. « Le dispositif des médecins correspondants du Samu a donc un intérêt évident car il permet d’avoir un vrai maillage territorial », souligne le Dr Marc Noizet, président de Samu-Urgences de France (SUdF), qui exerçait au Samu 55 quand l’histoire a commencé (lire ci-dessous).
Toutefois, le réseau MCS « s’est développé dans certains départements et a été fragilisé dans d’autres car c’est un exercice excessivement compliqué, souligne l’urgentiste. Il faut être disponible, accepter de se former et d'avoir une rémunération qui n’est pas à la hauteur de ce que l’on peut attendre lorsqu’on est en libéral. Et nos jeunes collègues qui s’installent n’ont pas envie d’être disponible en continu ». Pour le patron des Samu, « ce n’est pas le concept qui est fragile, c’est uniquement de trouver des volontaires qui aient cette disponibilité et qui osent sortir de leur zone de confort ».
Le MCS est un médecin de premier recours, formé à l’urgence, qui intervient en avant-coureur du Smur, sur demande de la régulation médicale Samu-Centre 15, dans des territoires identifiés comme à plus de 30 minutes d’un accès aux soins de médecine d’urgence et où l’intervention rapide d’un MCS constitue un gain de temps et de chance pour le patient.
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