Les médecins urgentistes du CHU de Brest ont entamé leur troisième semaine de grève. Dans un contexte de pénurie en ressources humaines, ils dénoncent l’injonction de leur direction et de l’ARS Bretagne « de couvrir certaines lignes de soins d’un des sites de l’établissement au détriment de certaines lignes critiques ».
« Les collègues sont démotivés, humainement à bout. On n'en peut plus », alerte l'un des médecins engagés dans les discussions, qui souhaite rester anonyme. Selon ce praticien, un tiers des effectifs (18 équivalents temps plein sur 54) ne sont pas pourvus et « la ressource de médecins intérimaires s'est tarie » depuis l'entrée en vigueur de la loi Rist qui plafonne le salaire des remplaçants à l’hôpital à 1 390 euros brut pour une garde de 24 heures.
« Organisation ubuesque »
Dans ce contexte RH tendu, « la gouvernance et la tutelle ont décidé, sans concerter les acteurs de terrain, d’une organisation ubuesque » du maillage sanitaire du territoire, uniquement pour « répondre à la pression politique », dénonce le collectif des urgentistes du département de médecine d’urgence brestois. En cause notamment, un protocole d'accord signé fin octobre, prévoyant le retour « à court terme » de deux urgentistes « 24h/24 » à l'hôpital de Carhaix (Finistère). Depuis l'été, habitants et élus de cette petite ville dénoncent en effet l'accès régulé aux urgences de l'hôpital, en soirée et pendant la nuit, passant par un appel préalable des patients au 15, faute de personnel.
Pour les médecins, ce « plan d’action imposé » s'est fait au détriment de certaines lignes du CHU de Brest, sur le site de la Cavale blanche, centre de recours de la région Bretagne et de la ville de Brest. Ce protocole amène parfois à avoir « un seul praticien urgentiste en régulation médicale du Samu pendant plusieurs heures » pour « tout le département du Finistère », se désole le communiqué des urgentistes. « Ce non-sens sanitaire couplé à l’absence de considération (...) vis-à-vis des urgentistes a exacerbé » la lassitude « chez ces praticiens qui travaillent plus de 60 heures par semaine », dénoncent-ils encore.
Volte-face
À la suite du préavis de grève, des négociations ont certes débuté entre la gouvernance hospitalière et les urgentistes. Des échanges jugés « constructifs », jusqu’à « une volte-face ignoble de la direction du CHU » au moment de signer le protocole de sortie de crise, enragent les médecins. Celle-ci est accusée d’avoir remis en question les avancées validées par les parties lors des négociations, le 16 novembre. Une situation qui crée chez certains urgentistes « des stigmates d’épuisement professionnel et personnel », accuse le collectif.
Confrontée à l’impossibilité de combler les lignes de régulation, le Smur et les urgences du CHU de Brest ou du site de Carhaix, la direction du CHU de Brest a déclenché un plan blanc le 17 novembre. Elle a aussi décidé « de remplir les lignes de soins critiques avec impact territorial fort en première intention, avec pour objectif secondaire une montée en charge progressive des lignes de garde à couvrir en fonction des ressources humaines du département de médecine d’urgence », précise encore le communiqué.
Depuis, les négociations n'ont pas abouti. « La dégradation de l'offre de soins sur ce territoire est superposable à celle que nous subissons partout ailleurs, à la suite des politiques menées depuis des décennies basées sur un rationnement organisé et piloté de l'offre de soins », estime de son côté le Dr Jean-François Cibien, président de l'intersyndicale Action praticiens hôpital (APH). Non seulement, les urgentistes doivent réguler les urgences de Carhaix mais « on leur a annoncé dans un deuxième temps qu’ils allaient aussi devoir réguler les urgences de Brest… Or, il y a une nuance entre 50 à 60 passages par jour et 200 à 300 passages par jour », explique au Quotidien l’urgentiste du CH d'Agen-Nérac.
Contactées, l'ARS et la direction du CHU de Brest n'ont pas donné suite.
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