L’ORDRE DES MÉDECINS a jeté un pavé dans la mare en suggérant de contraindre les jeunes diplômés à exercer pendant 5 ans dans la région où ils ont fait leurs études (Le Quotidien du 30 mai). Le Pr Dominique Perrotin, président de la Conférence des doyens, s’est également attiré les foudres des jeunes en se disant favorable dans nos colonnes à un « devoir service public de deux à trois ans vis-à-vis de la nation ».
L’instauration d’un service public ou citoyen est régulièrement débattu. Il y a cinq ans déjà, le Pr Patrick Berche, doyen de la faculté de Paris V défendait un service médical obligatoire de trois ans à la fin des études de médecine « pour payer la contribution des citoyens à la formation gratuite des médecins ». « Selon leur mérite (classement aux ECN…) et leur qualification, les jeunes médecins spécialistes et généralistes devraient s’installer pendant un temps limité dans des régions médicalement déshéritées, selon les priorités du ministère de la Santé et avec l’aide des maires et des régions », écrivait-il alors dans une lettre ouverte aux étudiants de sa faculté.
La fin du système libéral ?
Les propositions de l’Ordre et des doyens ont sans surprise provoqué une réaction épidermique des étudiants, internes et chefs de clinique. L’ISNCCA et l’ISNIH ont rappelé « l’inefficacité des mesures coercitives dans les pays étrangers où elles ont été mises en place : Allemagne, Italie et Canada ».
Dans une étude réalisée en décembre 2006, l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) s’est penché sur l’obligation de service dans une zone prioritaire mise en place aux États-Unis où elle est limitée à la première installation, au Canada où l’obligation d’installation est limitée à cinq ans et en Australie où elle est limitée à dix ans.
Dans ces pays, les médecins ont la possibilité de se soustraire à l’obligation de service avant terme en « rachetant » leur engagement. Ces mesures (obligation de service) n’ont qu’une « influence modérée à court terme et très faible à long terme », estime l’IRDES, dans la mesure où l’obligation de service est limitée dans le temps. « Elles ne permettent pas de rendre systématiquement les zones déficitaires plus attractives », poursuit l’Institut. « Car dans les pays où ce contrat de service public a été mis en place, les médecins vont exercer dans des structures où ils sont salariés, explique au « Quotidien » Yann Bourgueil, directeur de l’IRDES. Si on demande à un médecin de s’installer pendant plusieurs années dans une zone, cela signifie que l’on n’est plus dans un système libéral et que la puissance publique doit construire des dispensaires, des centres et des cabinets où les médecins vont s’installer. » Pour être efficace, cette solution devrait donc être accompagnée d’une structuration de l’offre de soins.
400 contrats de service public volontaires signés.
Le contrat d’engagement de service public (CESP) existe déjà en France depuis deux ans mais sur la base du...volontariat. Les étudiants et internes en médecine signataires de ce contrat disposent d’une bourse mensuelle de 1 200 euros bruts. En contrepartie, ils doivent s’installer une fois diplômés dans une zone sous dense pendant un nombre d’années équivalent à celui pendant lequel ils ont bénéficié de cette allocation. En deux ans, le CESP a été signé par un peu moins de 400 étudiants et internes sur les 800 initialement prévus. Les premières installations consécutives à ce dispositif se dérouleront à la rentrée. « Toute l’efficacité du dispositif reposera sur l’accompagnement de l’ARS dans l’installation des jeunes médecins, explique Yann Bourgueil. Ces jeunes resteront s’ils ont élaboré leur projet d’installation en amont ».
Les étudiants en médecine (ANEMF) réclament que le CESP soit reconduit par les pouvoirs publics « en améliorant sa visibilité, en le rendant plus souple et donc plus attractif ». Les internes notent qu’il existe d’énormes disparités entre les régions dans la mise en valeur des CESP. « Quand le projet est bien présenté, les agences régionales de santé (ARS) font le plein de contrats signés, souligne Emmanuel Bagourd, président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), qui espère que la carotte l’emportera sur le bâton. « Il faut espérer que les mesures incitatives porteront leurs fruits car la coercition aggraverait la situation actuelle avec la création de déserts médicaux là ou n’y en a pas », conclut-il.
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