EN DIRECT D’UNE FAC - 3 061 inscrits pour 315 places en médecine

Le numerus clausus marseillais fait débat

Publié le 28/03/2013
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Crédit photo : S TOUBON

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Crédit photo : S TOUBON

DE NOTRE CORRESPONDANTE

MARSEILLE A TOUJOURS entretenu un lien particulier avec la médecine. Et malgré quelques soubresauts, sa réputation d’excellence ne s’est jamais démentie. En 2013, la médecine continue de séduire un nombre très important de lycéens. « La vocation, comme ils disent, l’influence des parents, tout cela fait que de nombreux lycéens placent en premier choix « faculté de médecine » dans leur liste d’admission post-bac », explique Évelyne Marchetti, vice-présidente de l’Université Aix-Marseille (AMU).

C’est ainsi qu’aujourd’hui, la faculté de médecine de Marseille, qui est incluse depuis le 1er janvier 2012 dans un ensemble gigantesque – Aix-Marseille Université –, reçoit 14 295 étudiants, dont 3 061 en L1 Première année commune aux études de santé (PACES). Il s’agit de la plus grosse promotion de France juste après celle de Lille. Cette affluence, qui a déjà augmenté l’année dernière de 6,32 %, nécessite une organisation sans failles pour l’enseignement. Le nombre total d’étudiants est ainsi divisé en deux unités, l’une le matin et l’autre, l’après-midi. « Cet enseignement est strictement identique, ce qui pose quelques problèmes de nature pédagogique, comme vous l’imaginez, mais il faut éviter toute inégalité de traitement des étudiants, explique le doyen Georges Léonetti. L’enseignement se fait dans un amphi et il est rediffusé dans trois autres amphis, en visio conférence, ce qui permet d’avoir une capacité d’accueil permettant de faire face à l’afflux de la L1. »

Malgré ce dispositif, les étudiants ont du mal à trouver leur place sur les bancs des amphis. « Surtout le matin. De toute façon, on ne peut poser aucune question en direct, on doit les écrire sur un papier et la réponse n’intervient que le cours suivant », raconte Pauline, 19 ans tout juste, qui a repiqué cette année parce qu’elle rêve « depuis toujours d’être médecin urgentiste ». Elle a l’impression d’avoir tout sacrifié et travaillé comme une « dingue depuis deux ans » mais elle n’est pas certaine pour autant de pouvoir intégrer une filière médicale.

Comme beaucoup d’autres, elle s’est inscrite aux 5 concours qu’offre la fac de médecine de Marseille. Médecine, odontologie, pharmacie, maïeutique et kinésithérapie, sans grand espoir de parvenir à accrocher une filière qui lui plaît vraiment. C’est ce que lui indique son classement après l’examen du premier semestre, passé il y a trois mois. Elle se classe vers la 800e place. « Avant, poursuit le Pr Leonetti, le concours se faisait plus tôt dans la deuxième quinzaine de janvier, mais aujourd’hui, nous avons décidé de l’organiser à la mi-décembre, le but étant qu’en fonction de leurs résultats, ceux qui veulent se réorienter, le fassent le plus tôt possible. Et pour ceux qui veulent poursuivre, qu’ils puissent reprendre les cours et s’inscrire en ligne dans la ou les filières dans lesquelles ils souhaitent concourir. Les enseignements, pour ceux qui veulent concourir dans toutes les filières, sont organisés en conséquence. »

L’organisation de l’examen lui-même, avec un tel effectif, nécessite une rigueur quasi militaire avec utilisation complète du grand hall de la fac de médecine et de toutes les salles annexes. « Tous les amphis sont utilisés et reliés entre eux par un système de talkie-walkie, et on donne le top départ de l’examen dans toutes les salles en même temps. »

Un numerus clausus très réduit.

Cette sélection en élimine tout de même un grand nombre, car les numerus clausus sont à Marseille d’une rare austérité : 315 en médecine, 151 en pharmacie, 73 en ondontologie, 142 en masso-kinésithérapie et 32 pour les sages-femmes. Cela donne en tout et pour tout 713 étudiants (plus 4 étudiants étrangers) reçus dans 5 filières pour 3 061 inscrits. Il faut rajouter à ce nombre, les étudiants retenus pour intégrer les formations de manipulateur radio, rééducateur en psychomotricité et maintenant ergothérapie. « Nous sommes sur une stabilisation du numerus clausus depuis trois quatre ans, ce qui est très ennuyeux pour nous. Mais nous ne sommes pas entendus au ministère à ce sujet, car ce numerus clausus est présenté comme un moyen de réguler la démographie médicale géographiquement, ce qui est un leurre total, déplore le Pr Leonetti. On considère que les facs de médecine risquent de produire un nombre de médecins qui vont venir aggraver la surdensité théorique sur les territoires, mais dans notre région, elle est très inégale selon que l’on se trouve dans les quartiers nord de Marseille ou dans certains départements alpins comme le 04 (Alpes de haute Provence) ou le 05 (Hautes Alpes). Cela a créé une très grande disparité de numerus clausus d’une ville à l’autre et des ratios de chance de réussite très différents d’une université à l’autre. »

Car force est de constater qu’à Marseille, le niveau est très élevé. La première recrue de médecine culmine à 18,47 et le dernier à 15,35 et tout est à l’avenant dans les autres disciplines. « Dans certaines facultés, remarque encore le Pr Leonetti, certains passent sans avoir la moyenne. Il existe une vraie inégalité selon que l’on est à Marseille, Lille ou Amiens. »

Le tabou de la présélection

Les étudiants provençaux aimeraient bien contourner ce problème. Mais Lola, qui sait par exemple que le numerus clausus à Angers est moins contraignant, n’a pas pu partir pour des raisons financières. Gaetan quant à lui, ne s’est pas réinscrit cette année en médecine après un premier échec. Il a suivi les cours en candidat libre pour ne pas compromettre toutes ses chances de réussir le concours en pharmacie qu’il vise, en ratant une deuxième fois le concours. Beaucoup de ces jeunes posent la question de l’utilité d’une présélection éventuelle qui éviterait l’embouteillage et l’échec quasi assuré pour certains. « La conférence des doyens de médecine a fait remonter cette réflexion dans le cadre des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais la question de la présélection reste totalement taboue, confirmeGeorges Léonetti, parce que l’accès à l’université doit être libre. La seule chose sur laquelle on pourrait insister, c’est sur la capacité d’accueil, qui pose problème. Pour le reste… » La fac continue de recruter des gens très brillants tout en ne sachant pas s’ils auront les qualités humaines requises pour faire de très bons médecins…

 HÉLÈNE FOXONET

Source : Le Quotidien du Médecin: 9230