« Une très fine tranche d’emmental avec beaucoup de trous et peu de fromage. » C'est ainsi que le Dr Hubert Sevin, élu à l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) de Bretagne, décrit la prévoyance de la Carmf dans une étude sur le sujet parue en 2018. Une image qui ne semble pas exagérée : la caisse impose en effet un « délai de carence » de 90 jours entre le moment où un médecin se trouve en arrêt de travail et le moment où elle commence à lui verser des indemnités. Quant au montant de ces dernières, il se situe entre 67 et 134 euros par jour. Voilà qui permet difficilement au praticien, en attendant de pouvoir reprendre le travail, de payer les charges de son cabinet tout en faisant bouillir la marmite familiale.
Le problème, c'est que les praticiens semblent assez peu au fait de cette réalité. D'après l'étude d'Hubert Sevin, qui porte sur l'exploitation de questionnaires remplis par 200 médecins bretons, 90 % des praticiens connaissent le délai de carence de 90 jours, mais seulement 20 % connaissent le montant moyen des prestations qui leur sont versées au-delà de ce délai. 58 % avouent n'avoir aucune idée sur la question, et 10 % s'imaginent toucher une indemnité supérieure ou égale à 250 euros par jour. L'étude bretonne note par ailleurs que si les médecins qui ont répondu disposent dans leur immense majorité d'un contrat de prévoyance complémentaire pour pallier les lacunes de celle offerte par la Carmf, ils « en connaissent mal le montage et les contenus ».
Le plus cher n'est pas forcément le meilleur
Si des médecins installés, disposant d'une prévoyance complémentaire, ont du mal à se retrouver dans les méandres de leur contrat, on ne peut qu'imaginer le désarroi de ceux qui vont s'installer face aux offres des différents assureurs. À ceux-ci, il est fortement conseillé de bien réfléchir avant de s'engager. C'est en tout cas ce qu'estime Ugur Ay, expert en protection sociale chez le cabinet de courtage indépendant SR Conseil (cabinet qui édite notamment le site Protectiondesindependants.com, sur lequel on trouve un grand nombre d'informations sur le sujet). « Il est important de se pencher sur tous les détails, car contrairement à ce qu'on pense, le contrat le plus cher n'est pas forcément le meilleur », avertit ce professionnel.
Pour illustrer son propos, Ugur Ay prend l'exemple des franchises (nombre de jours après lequel le contrat se déclenche). « Certains contrats ne se déclenchent qu'après trois jours d'hospitalisation », détaille-t-il. « Or, avec le développement de l'ambulatoire, beaucoup d'arrêts de travail s'accompagnent d'une durée d'hospitalisation inférieure à trois jours, même si un arrêt de deux semaines est prescrit par la suite. » Et dans ce cas-là, si les termes du contrat ne prévoient rien de particulier en cas de chirurgie ambulatoire, le médecin arrêté en sera pour ses frais.
Attention aux exclusions !
Autre point de vigilance signalé par Ugur Ay : les exclusions. « Les pathologies disco-vertébrales ou les pathologies psychiatriques sont souvent exclues de certains contrats, mais pas de tous », pointe l'expert. Or, selon une étude de la Carmf, les troubles psychiatriques sont responsables de 18 % des invalidités temporaires, et de 43 % des invalidités définitives chez les médecins. Une bonne raison de bien lire les clauses écrites en note de bas de page et en police 4 dans les contrats. Et ce d'autant plus que la psychiatrie ou les pathologies disco-vertébrales ne sont qu'un spécimen parmi le vaste panel d'exclusions que peut prévoir l'assureur. Celui-ci peut aussi choisir par exemple de ne pas indemniser les sinistres survenus à la suite de la pratique de certains sports, ou de ne pas couvrir les grossesses pathologiques...
Dernier point, signalé par Ugur Ay : le calcul du taux d'invalidité. « C'est technique, mais capital, parce que l'invalidité est le risque le plus long, qui doit être pris en charge jusqu'à l'âge de la retraite », explique le courtier. Sur une telle durée, la différence entre un taux d'invalidité estimé à 50 % ou à 80 % peut être cruciale. Or il existe parmi les contrats une grande diversité dans les modalités du calcul. « Le taux est-il calculé en fonction d'un barème, et si oui, s'agit-il de celui de la Sécurité sociale ou d'un autre ? », demande Ugur Ay. « Et l'invalidité sera-t-elle estimée par un médecin de la compagnie, un comité paritaire, un indépendant ? »Autant de questions qui, aussi rébarbatives qu'elles puissent sembler, méritent qu'on les étudie avant qu'il ne soit trop tard.
A.R.
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