Il est tout juste 9 heures, ce mercredi 5 juin, lorsque qu’une trentaine d’internes en médecine générale et d’étudiants infirmiers en pratique avancée (IPA) et en pharmacie viennent garnir une des salles de classe de la faculté de médecine de Lille (Nord). Tout naturellement, les juniors se dégotent une place à côté de leur camarade de promotion habituel, sans trop oser encore se mélanger entre les différents métiers.
Mieux se connaître, mieux se comprendre : c’est pourtant bien l’objectif de cette journée Immersion pluriprofessionnelle pour l’attractivité des territoires de Santé (ImPAcTS), organisée pour la troisième fois par la fac de médecine de Lille et consacrée à la découverte de l’exercice coordonné et du travail en équipe. Et qui mieux pour en parler que des soignants déjà engagés dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ces pools de libéraux qui maillent toute la France et structurent l’offre de soins primaires en miroir de l’hôpital ? À ce jour, 831 CPTS sont recensées, à des stades d’avancement différents…
Des acronymes connus… sans savoir ce qu’il y a derrière
Le Dr Tayssir El Masri, médecin généraliste et président de la CPTS de Liévin, donne le tempo de la matinée. « Nous allons commencer par une petite présentation de ce qu’est l’exercice coordonné en MSP, équipe de soins spécialisés ou CPTS. Nous parlerons ensuite des différentes missions des CPTS. Vous avez de la chance, le temps de finir vos études, le territoire en sera – normalement – totalement couvert, vous n’aurez donc pas à en créer ! », s’amuse-t-il.
Devant lui, les étudiants se montrent studieux et attentifs. Si une poignée d’entre eux connaît déjà le fonctionnement de ces structures d’exercice collectif, grâce aux stages qu’ils y ont effectués, d’autres sont moins informés, comme Hugo et Charlotte, tous les deux internes en huitième année de médecine générale. « Ce sont évidemment des acronymes que nous connaissons – CPTS, ESS, MSP – mais nous ne savons pas vraiment ce qu’il y a derrière, admettent-ils. Jusqu’à maintenant, ce sont des notions que nous n’avions pas vues en cours. »
Il n’y a pas de leader, chacun est au même niveau
Dr Tayssir El Masri
Après une heure de cours théorique, place à la pratique pour les deux internes et le reste de la promotion. Les jeunes apprenants sont divisés et mélangés en petits groupes de cinq à six pour travailler à un protocole d’actions de prévention en santé publique (une des missions des CPTS) autour de la BPCO. « Bien entendu, dans les ateliers comme dans la CPTS, il n’y a pas de leader, chacun est au même niveau », anticipe le Dr El Masri. Les groupes se forment timidement au rythme des chaises de cours qui grincent sur le sol.
Pour les apprentis médecins, travailler en équipe pluripro est un événement plutôt rare, en raison de leur formation quasi-exclusive en silo. « Quelques modules en interprofessionnalité leur sont proposés pendant leur cursus mais rien d’obligatoire. C’est la première fois que ces étudiants se rencontrent vraiment », avance Thomas Morgenroth, vice-doyen Territoire et Partenariats à l’Université de Lille, à l’origine du projet.
Démystifier aussi l’exercice rural
Pour l’universitaire, il est indispensable de faire ces rencontres avant de lâcher les futurs soignants dans la nature. « On sait que l’exercice coordonné séduit de plus en plus les jeunes générations. En tant que centre de formation, notre rôle est de les sensibiliser à ce qu’ils vont vivre plus tard. C’est aussi l’occasion pour eux d’apprendre à se connaître et à tisser de premiers liens ».
Au-delà de cette journée, l’enjeu est (aussi) d’inverser la courbe déclinante de la démographie médicale du Nord-Pas-de-Calais. Le choix des sept CPTS venues pour cette occasion n’est d’ailleurs pas anodin : Liévin, Val-de-Sambre, Grand Arras, Armentières… autant de bassins de vie défavorisés et délaissés par les médecins. Il existe pourtant « de vraies dynamiques territoriales de santé qui se sont créées ces dernières années justement autour des CPTS, positive le Dr Tayssir El Masri. Bien souvent, elles offrent aux jeunes un cadre de travail et de vie agréable, un réseau de professionnels de santé et des tracas administratifs en moins. C’est un mode d’exercice tout sauf isolé ! » Un sens du collectif plébiscité par la jeune génération, assez loin du modèle sacerdotal en solo de leurs aînés. « Je vise un exercice rural mais de préférence en interprofessionnalité et pourquoi pas à Liévin ! », sourit Charlotte.
La stratégie de la faculté « d’aller vers » l’exercice collégial en faisant se rencontrer des professions diverses sera-t-elle payante à terme ? « On l’espère sincèrement, glisse Thomas Morgenroth. En tout cas, on pense que c’est plus constructif que de leur imposer quoi que ce soit. L’année dernière, les CPTS qui ont participé à ces journées ont reçu des stagiaires. C’est très positif ».
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