Pas d’embellie en matière de respect du temps de travail des internes, bien au contraire ! Une enquête dévoilée ce vendredi 1er mars par les syndicats d’internes – l’Isnar-IMG, l’Isni et la FNSIP-BM (pharmacie et biologie médicale, NDLR – révèle que les jeunes médecins en formation travaillent toujours plus en stage, avec une moyenne de 59 heures hebdomadaires toutes spécialités confondues.
À titre de comparaison, selon une enquête similaire de l’Isni, cette moyenne s’établissait à 58, 4 heures hebdomadaires en 2020. « Malgré les signaux d’alerte envoyés par les syndicats depuis plusieurs années, on se rend compte que rien ne change. Cela a même empiré. Il y a vraiment de quoi s’inquiéter », déplore Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG.
10 % des internes dépassent les 80 heures hebdomadaires !
L’enquête, réalisée auprès de 2 277 internes entre le 18 septembre et le 30 octobre 2023, révèle par ailleurs que 10 % des internes dépassent même les 80 heures par semaine. Les apprentis chirurgiens sont les plus exposés avec un temps de travail hebdomadaire moyen de 75 heures par semaine, dépassant parfois, pour certains, les 100 heures. Ils sont suivis des internes de gynécologie, d’ORL-chirurgie cervicofaciale, de réanimation puis de cardiologie.
Les internes de médecine générale se situent, eux, à 50 heures de travail hebdomadaires en moyenne, en (légère) baisse par rapport à 2020 (52,27 heures par semaine).
Le problème des dérives du temps de travail se révèle massif puisque 80 % des futurs médecins dépassent le maximum légal fixé par une directive européenne, à 48 heures hebdomadaires. En 2020, 70 % des internes allaient au-delà de ce seuil. De pire en pire, donc, selon les déclarations des internes.
Finalement, seules trois spécialités (santé publique, médecine nucléaire et médecine du travail) ne dépassent pas les seuils maximum autorisés.
Repos de sécurité, situations très inégales
Concernant cette fois le repos de sécurité, obligatoire depuis 2002 pour tout travail de nuit effectué à partir de 21 heures, les syndicats observent un léger mieux, bien que cette règle obligatoire soit encore respectée de manière « très inégale » selon les CHU. « En 2023, ce repos semble être désormais acquis pour la plupart des gardes, puisque 84 % des internes déclarent en bénéficier systématiquement », lit-on. Cependant, lorsqu’il s’agit d’une demi-garde de nuit, ce chiffre chute à 43 % des internes.
S’agissant des repos compensateurs, ces demi-journées à poser en cas de dépassement des 8 demi-journées de travail hebdomadaires (l’équivalent des journées de RTT), 57 % des internes en sont privés. Il s’agit pourtant d’une obligation depuis 2015.
Face à la dégradation des conditions de travail des internes qui « mettent en péril la santé physique et mentale des internes au détriment des patients », les syndicats appellent les pouvoirs publics à prendre des mesures fortes. « Il faut mettre fin aux 24 heures de travail consécutives qui sont sources d’erreurs médicales », plaide Florie Sullerot.
Pour mesurer de manière transparente le temps de travail des médecins en formation, les syndicats réclament une nouvelle fois le respect strict de la tenue de tableaux de service par les établissements. Si ces tableaux de service sont requis depuis 2015, encore 50 % des internes disent ne pas en bénéficier.
Deux semaines en une
Pour Guillaume Bailly, président de l’Isni, une part importante de travail n’est aujourd’hui pas comptabilisée. « Concrètement, les internes peuvent facilement finir à 11 heures après une garde alors qu’ils devraient finir à 8 ou 9 heures. Ces heures supplémentaires, accumulées chaque jour, peuvent vite conduire les internes à faire deux semaines en une ! ». Pour s’attaquer à ce travail insidieux, les jeunes réfléchissent avec les CHU à la mise en place d’un décompte horaire, plus fiable. « Il n’y a pas de solutions miracles mais certains services envisagent de mettre en œuvre des logiciels avec un bornage du temps », confie l’interne.
Pour rappel, 28 CHU sont en procédure de médiation avec les syndicats de jeunes, à la suite de plaintes déposées en justice pour non-respect du décompte précis du temps de travail.
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