Ce mardi 14 février, la grève des médecins va donner lieu à un rassemblement inédit de la profession, des syndicats libéraux à SOS médecins en passant par l’Ordre et le Collège de la médecine générale. Si tout ce beau monde, malgré des divergences, a réussi à se réunir pour un combat commun, c’est aussi le cas des structures des internes et jeunes médecins qui partagent des luttes spécifiques.
C’était justement l’objet d’une des tables rondes du 23e congrès de l’Isnar-IMG, l’intersyndicale des internes de médecine générale, qui avait lieu à Lyon en fin de semaine dernière. Elle proposait de s’interroger autour des combats communs portés par les syndicats de jeunes médecins.
Et le respect de leurs droits est sans doute la préoccupation première sur laquelle ils peuvent s’entendre.
Faire respecter la loi sur le temps de travail
Comme l’a rappelé Olivia Fraigneau, présidente de l’Intersyndicale des internes, l’Isni, « l’enjeu principal est d’abord de faire respecter la loi » sur le temps de travail.
Un combat de longue haleine qui monopolise déjà toutes les énergies. Et quand les internes ont l’impression d’avancer, comme avec le décret paru la semaine dernière sur les pénalités financières… En fait, non ! L’Isni comme l’Isnar-IMG sont bien d’accord, ce décret n’aura aucun impact.
« Ils demandent des choses qui n’existent pas, car aujourd’hui dans moins de 5 % des cas, il y a suspension de l’agrément du terrain de stages. Ce n’est pas demain que les hôpitaux vont payer », comment Olivia Fraigneau.
« Ce que nous voulions ce sont des sanctions financières même s’il y a encore des internes dans le terrain de stage », renchérit Raphaël Presneau, président de l’Isnar-IMG.
L'intérêt pédagogique des gardes en question
La question de durée des gardes est aussi au cœur du combat. L’Isnar-IMG revendique notamment qu’une garde de nuit soit comptabilisée comme trois demi-journées, contre deux actuellement, et qu’une demi-journée de repos pré-garde soit instaurée.
« Le repos pré-garde de demi-journée devra être au choix de l'interne : matin ou après-midi. Il devra être facultatif mais rester un droit inaliénable qui ne pourra être refusé à l’interne », détaille Raphaël Presneau.
Le syndicat demande aussi un bornage horaire de 5 h 20 maximum par demi-journée, et rappelle qu’on ne peut pas terminer une journée après 21 heures sans que cela soit considéré comme une garde.
Au-delà de la durée horaire, l’intérêt pédagogique de certaines gardes est aussi remis en cause.
« Il y en a plein qui ne servent pas à grand-chose. Quand elles ne sont pas dans notre service, elles pourraient se faire sur la base du volontariat. Il n’y a pas forcément un intérêt pour tout le monde, pendant tout son internat, à faire des gardes aux urgences », avance celle qui est interne urgentiste.
Mais plus globalement, la présidente de l’Isni estime que, collectivement, une réflexion est à avoir. « L’enjeu est de faire en sorte que chaque garde soit correctement payée, que l’on soit correctement protégé, que les patients n’en meurent pas et que pédagogiquement elles aient un intérêt. Et aujourd’hui on ne coche aucune case. »
Pour ne pas devenir maltraitant envers soi-même et les autres
Si tous ces combats ont un sens, c’est aussi au regard des risques psychosociaux (RPS) que ce non-respect du droit des internes engendre.
La grande enquête nationale de l’Isni, l’Isnar-IMG et l’Anemf en 2021 a montré l’ampleur des dégâts.
« Et encore cette enquête est déclarative, donc les chiffres sont sûrement sous-estimés. Ce n’est probablement pas un étudiant sur quatre qui souffre de dépression ou qui a eu des idées suicidaires, mais plus », souligne Olivia Fraigneau.
Et comme pour le respect de leurs droits la mise en place d’actions concrètes traîne dans ce domaine. La coordination nationale d’accompagnement des étudiants en santé (CNAES), a pris la suite du CNA, mais Raphaël Presneau regrette qu’il n’y ait toujours pas de site internet pour pouvoir communiquer auprès des internes le numéro mis en place. Olivia Fraigneau de son côté rappelle qu’une campagne de communication devait être lancée en novembre et que pour l’instant elle n’a pas vu le jour.
S'occuper des RPS des médecins
Et cette dernière insiste aussi sur le fait que revendiquer ses droits, faire respecter ses horaires en tant qu’internes, c'est aussi pour éviter d'être maltraitant envers soi-même et les autres.
« Cette addiction au travail a créé des monstres qui vous maltraitent tous les jours. Pensez-y quand vous hésitez à demander vos repos compensateurs etc., dites-vous que vous ne voulez vraiment pas devenir comme eux », encourage-t-elle.
Une ligne qui vaut aussi pour les médecins installés. Comme met en avant le Dr Élise Fraih, présidente du syndicat des remplaçants et jeunes généralistes installés, ReAGJIR, agir pour sa santé c’est agir pour celle des patients.
« S’occuper des RPS des médecins c’est s’occuper de l’accès aux soins équilibrés pour tous, estime-t-elle. Et c’est l’enjeu de la lutte intersyndicale de mardi prochain. »
Un mot d’ordre qui peut réunir l’ensemble des manifestants cette semaine.
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