Il y a quelques jours, le « Quotidien » a mis en lumière une enquête effectuée par une association de consommateur sur l’accès aux soins. Cet article (« Près d'un médecin traitant sur deux refuse de nouveaux patients, déplore l'UFC-Que choisir », lequotidiendumedecin.fr 21/11/2019) est très intéressant du fait des nombreuses contradictions, et de l’absence de connaissance de la situation sur le terrain de la part de l’association UFC-Que choisir.
Il est intéressant de voir que les médecins refusant les patients ne sont pas nécessairement installés dans des déserts médicaux. La pénurie en praticien s’observe en effet un peu partout, et les villes moyennes sont souvent les plus impactées. Il faut cependant dire que ces refus ne sont pas généralisables, et qu’il est pour le moment possible de trouver un praticien dans ces villes.
En ce qui concerne les campagnes les médecins sont conscients de la problématique des effectifs, et n’hésitent pas, pour un certain nombre d’entre eux, à se retrousser les manches. De cette manière ils arrivent, parfois difficilement, à boucler des journées souvent harassantes (plus de 70 heures par semaine pour un grand nombre).
Ensuite, il est facile de critiquer les confrères qui refusent les patients. Cependant, dans une société où les loisirs deviennent une priorité, n’est-il pas juste pour le médecin d’en profiter un peu ? En augmentant sa patientèle le médecin néglige d’autant plus sa famille (car il travaille en moyenne 50 heures par semaine), et en plus il est félicité par le fisc qui augmente ses impôts.
Cette constatation est bien connue par la jeune génération de confrères (de nos jours en majorité de sexe féminin) qui refuse cette fatalité, et revendique la possibilité de travailler 35 heures (comme la plupart de nos concitoyens) avec une bonne qualité de vie ; le gain n’étant pas leur préoccupation première. D’autre part, la féminisation met en avant une autre problématique ; celle du conjoint qui doit trouver du travail, ce qui n’est pas nécessairement aisé si notre consœur décide de s’installer dans une zone « désertique ».
Fonctionnarisation de la pratique
De plus, certaines communes (souvent à l’approche d’élections) proposent des conditions de travail alléchantes, car il s’agit souvent d’une fonctionnarisation de la pratique médicale. Ce type de fonctionnement est très prisé par les jeunes collègues pour plusieurs raisons. Le fait que la charge de travail est moins importante que dans un cabinet libéral classique. Le fait que le nombre d’heures de présence est restreint; et en plus ils peuvent bénéficier de 5 semaines de vacances, et de jours de formation. Il est certain qu’en période de pénurie cette solution ne fait qu’accroître le déficit dans l’offre de soins !
Il est rare de noter une réaction des médias et des associations de consommateurs pour dénoncer l’action parfois aberrante de certaines communes qui attirent des médecins alors que l’offre de soins est suffisante voire parfois pléthorique dans leur juridiction. De telles incohérences ne sont pas rares.
Ce que ne souligne pas l’association de consommateur, c’est le fait que, s'il serait possible d’obliger les médecins à s’installer dans un secteur déficitaire, on ne peut plus ,avec un nombre restreint de médecins (ce qui a été voulu par les politiques), faire fleurir des cabinets médicaux partout.
De plus, il va falloir durant encore de nombreuses années s’attendre à voir une offre de soins encore plus réduite car le turn over n’est plus assuré ; le nombre de retraités va être durant 10 ans plus important que le nombre de médecins en fin d’études ! Toujours est-il que cette façon de remettre en question le conventionnement des médecins par une association de consommateurs est quelque peu malvenue.
« Je ne cherche pas à comprendre les réponses, je cherche à comprendre les questions. » Confucius.
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