Injections ratées, mal dosées, ou de produits illicites, dans des conditions d'hygiène douteuses… Les chirurgiens esthétiques sonnent l'alerte contre la multiplication des « fake injectors » qui pratiquent l'injection de produits de comblement (acide hyaluronique, botox) sous le manteau et sans diplôme. À tel point que le Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE) a déposé neuf plaintes pénales pour exercice illégal de la médecine à Paris et en région PACA.
« Ces pratiques ont des conséquences dramatiques et mettent en danger la vie des patients avec des complications parfois graves comme des nécroses, pouvant aller jusqu'à l'amputation, martèle la Dr Catherine Bergeret-Galley, secrétaire générale du syndicat. Cela touche aussi à la réputation de notre chirurgie, alors que ces complications sont dues à des actes illégaux de non-médecins, souvent des femmes, blogueuses, instagrameuses, parfois des paramédicaux, qui ne peuvent pas injecter dans des conditions de sécurité. »
Le syndicat, qui chiffre à « une centaine » le nombre de ces injectrices illégales, rappelle que l'injection de produits est un geste médical, reconnu par la Cour de cassation dans sa jurisprudence depuis plus de trente ans. « Dans un visage, il y a des vaisseaux, des nerfs, des artères, en lien avec les artères de l’œil et le cerveau,souligne son président, le Dr Adel Louafi, chirurgien plasticien à Paris. Il faut connaître l’anatomie de la face, les techniques de sécurité d’injection, l’asepsie, la stérilité et la gestion des aiguilles souillées et reconnaître les complications graves, qui doivent être exceptionnelles. Seul un médecin formé peut le savoir .»
Influenceuses et botox party
Au-delà de la technique et du savoir-faire, les produits injectés posent également problème. D'après le syndicat, ils sont souvent des contrefaçons achetées sur Internet, voire de la marchandise « tombée du camion » ou des mixtures d’acide hyaluronique « en vrac, non purifié, non stérile ». Devant l'ampleur du phénomène, il a décidé d'alerter les pouvoirs publics, et notamment l'Ordre des pharmaciens, l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) et la répression des fraudes (DGCCRF).
Le syndicat pointe également du doigt la responsabilité des réseaux sociaux, et notamment d'Instagram, où les publicités et publications d'esthéticiennes ou de cosmétologues – qui se qualifient de « praticiennes » – fleurissent. Une simple recherche avec le #acidehyaluronique suffit pour tomber sur des photos promettant des lèvres plus pulpeuses (dites « russian lips ») ou des pommettes plus dessinées. Sans compter la promotion faite par certaines influenceuses, qui renvoient parfois vers ces « fake injectors » ou relaient des « botox party » organisées dans des appartements privés.
Or, « la plupart des patientes concernées par ce phénomène sont des jeunes femmes âgées de 16 à 25 ans, souvent avec une fragilité psychologique et très influencées par les réseaux sociaux », pointe le Dr Louafi. « Un macaron bleu (le symbole pour un compte certifié, NDLR) et des milliers de followers n’ont jamais été un gage de sécurité et n’ont jamais permis de connaître l’anatomie ni de savoir éviter ou gérer les complications », poursuit le chirurgien, qui demande à Instagram « d'agir » sur ces comptes qui font la promotion d’actes illégaux. Enfin, la profession attend désespérément la publication du décret d'application de l'article 61 de la loi HPST (2009), qui doit encadrer les actes esthétiques et donner un pouvoir de sanction aux agences régionales de santé (ARS).