Depuis quelques jours, face à l’échec des négociations conventionnelles, l’idée d’un mouvement de désobéissance tarifaire circule de plus en plus parmi les médecins.
« Sur les boucles WhatsApp privées et même sur les réseaux sociaux, de nombreux médecins expriment leur ras-le-bol et leur mécontentement. Avec ce qui a été mis sur la table pendant ces négociations conventionnelles, de nombreux praticiens remettent vivement en cause la volonté affichée par le gouvernement d’améliorer réellement l’accès aux soins ainsi que les conditions d’exercice des médecins traitants », relate le président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel.
Se faire entendre autrement
« Ça devient de plus en plus dur pour les médecins qui passent entre 20 et 30 minutes avec un patient chronique pour seulement 25 euros », témoigne à son tour le Dr Sylvaine Le Liboux, secrétaire générale des Généralistes-CSMF.
La généraliste installée à Valençay, dans l'Indre, souligne les nombreuses charges qu'implique la gestion d'un cabinet médical. « Finalement, c'est comme une petite entreprise. Certains payent parfois des assistants médicaux, des secrétaires… Et avec l'inflation, tout augmente : l'électricité, les rouleaux papier dont le prix a doublé et à côté de ça, nos conditions d'exercice qui se détériorent progressivement. Cela devient très compliqué », admet-elle.
Face à ce désarroi, et alors que les actions précédentes (grèves de la PDSA, des gardes, etc.) ne leur ont pas permis d'obtenir ce qu'ils espéraient, l’idée d’un mouvement de désobéissance tarifaire se fraye progressivement un chemin. « J’entends de plus en plus de médecins autour de moi, qu’ils soient syndiqués ou pas, qui pensent que, dans l’immédiat, la désobéissance tarifaire est la seule chose à faire », confie le Dr Luc Duquesnel, qui tient toutefois à signaler « qu’il ne s’agit pas là d’un mot d’ordre syndical ».
« Les idées fusent dans tous les sens et la colère gronde, confirme à son tour le Dr Jean-Christophe Nogrette, premier vice-président de MG France. Mais avec la pression qu’on a sur le dos, difficile de se lancer de façon coordonnée. »
Pour lui, il serait d'ailleurs prématuré de lancer ce type d'actions « avant la publication du règlement arbitral », dont le contenu doit être dévoilé, au plus tard, fin mai, par l'arbitre Annick Morel, ancienne inspectrice générale des affaires sociales (Igas) à la retraite.
Le DE jugé très efficace
Si, sur le terrain, aucun médecin n'a, pour le moment, publiquement lancé une telle action, cette mesure, qui consiste à appliquer des tarifs supérieurs aux tarifs conventionnés en cotant le dépassement d’honoraires pour exigence particulière du malade (DE), est jugée « très efficace » par les médecins du terrain, à l'instar du Dr Mickaël Riahi, médecin généraliste à Paris. « C'est forcément une solution qu’on n’aime pas appliquer car on ne veut pas pénaliser les patients. Mais c'est vrai que c'est une action qui permet de faire parler et de donner de la visibilité », admet-il.
D'ailleurs, cette action a déjà fait ses preuves par le passé. En octobre 2016, des médecins généralistes de Romillé (Ille-et-Vilaine) ont entrepris un mouvement de désobéissance tarifaire facturant leur consultation à 25 euros au lieu de 23 euros, tarif conventionné. Cette augmentation de 2 euros de la consultation avait été avalisée par la Cnam dans la convention médicale mais devait intervenir seulement en mai 2017.
Trop tard pour les généralistes qui, partout en France, ont suivi la même ligne de conduite, faisant flancher l'Assurance maladie qui a finalement anticipé le passage de la consultation à 25 euros pour tous les médecins.
Toujours est-il que cette pratique n'est pas anodine. « Dans les textes, il est précisé que les DE doivent être faits avec "tact et mesure", indique le Dr Sylvaine Le Liboux. La Caisse peut en effet reprocher à un médecin d'en faire trop souvent. Mais plus de médecins décideront d'y avoir recours, moins la Cnam pourra dire quelque chose ! »
Parmi les moyens de pression, certains médecins pensent même au déconventionnement.
Que prévoit la Cnam en cas de recours massif au DE ? Le déconventionnement des médecins dans un contexte de pénurie est-il envisageable ? Contactée, l'Assurance maladie n'a pas souhaité répondre à nos questions. « On demande aux médecins de respecter le cadre légal et réglementaire », a-t-elle seulement indiqué.
Aide médicale d’État (AME) : dans un centre de PMI en première ligne, deux sénateurs prennent le pouls du terrain
Un partenariat Doctolib/Afflelou ? Les ophtalmos libéraux ne font pas « tchin-tchin »
Enquête sur les restes à charge « invisibles » : 1 500 euros par an et par personne, alerte France Assos Santé
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins