Le 26 janvier, vous questionnerez l’avenir du médecin traitant. Pourquoi y a-t-il urgence ?
Dr Agnès Giannotti : Nous sommes à une période charnière pour le système de santé. Soit nous allons vers un système qui sécurise les parcours des patients, soit nous allons vers la dérégulation. Nous voyons bien dans les annonces des pouvoirs publics une tentation de se dire que l’on peut se passer de notre métier. Notre profession de premier recours est déterminante pour construire des réponses de proximité avec les patients. Cette proximité fait de nous des acteurs indispensables. Ce colloque consiste d’abord à faire toucher du doigt aux pouvoirs publics la réalité du métier, ce que nous faisons en pratique, ce que nous représentons dans le système de santé.
Dr Jacques Battistoni : L’essentiel est résumé dans le nom du colloque. Nous voulons questionner les pouvoirs publics sur l’avenir du médecin traitant. Et les interpeller sur les moyens alloués aux missions qui sont les nôtres.
Vous présenterez un état des lieux de la situation. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Dr J. B. : Cet état des lieux repose sur trois volets. Nous allons d’abord rappeler les missions du médecin traitant, puis nous présenterons des chiffres montrant l'activité de la médecine générale, et enfin nous partagerons les résultats d’une enquête réalisée auprès de nos adhérents. Entre 2021 et 2022, le nombre de consultations a diminué de 6,2 % et celui des visites de près de 20 %. Par ailleurs, 64 % des actes remboursés en 2021 pour les moins de 15 ans ont été réalisés en médecine générale. Notre enquête réalisée entre le 9 décembre et le 3 janvier est révélatrice des attentes des médecins généralistes traitants. Près de trois quarts des 194 répondants accepteraient de voir plus de patients si le travail avec des collaborateurs le leur permettait sans travailler plus longtemps. Ainsi, la meilleure façon pour les généralistes d’être efficaces et de prendre en charge une population plus nombreuse est de bénéficier d’assistants médicaux, de secrétariats « classiques » pour l’accueil et la prise de rendez-vous, d’infirmiers Asalée… Sans surprise, en dernier arrivent les accès directs aux kinés et aux IPA et les protocoles de soins avec les pharmaciens. On voit également que tous sont favorables à l’interprofessionnalité, mais à condition d’avoir une réelle coordination et de garantir la place cardinale du médecin traitant.
L’accès direct aux paramédicaux revient pourtant régulièrement sur la table, comme dans le cadre de la proposition de loi Rist. Comment accueillez-vous cela ?
Dr A. G. : Cette proposition ne nous convient pas du tout. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes prêts à hausser le ton. Nous ne sommes pas opposés aux coopérations mais à condition qu’il y ait une très proche collaboration entre les professionnels. La proposition de loi Rist affiche une organisation de la coordination au niveau de la CPTS, ce qui n’est pas adapté. Cela veut dire un accès direct sans coordination.
Vous allez également partager un film sur des expériences de médecins à l’étranger. Quels en sont les enseignements ?
Dr J. B. : Bien que l’historique de nos systèmes de santé et modes de financements soient différents, nous observons qu’ils sont confrontés aux mêmes problèmes que nous. Notre film nous renseigne sur l’organisation et la qualité des soins, la collaboration avec d’autres professionnels et le rôle de chacun. Nous avons interrogé des généralistes d’Irlande, du Royaume-Uni, d’Italie, d’Espagne, de Suisse, du Québec et des États-Unis. Le débat qui suivra doit nous permettre de contextualiser et voir ce qui est transposable ou pas en France.
Enfin, Dr Giannotti, vous débattrez avec Marie Daudé de la DGOS, Catherine Deroche de la Commission des affaires sociales du Sénat, Thomas Fatôme de l’Assurance maladie et Paul Frappé du CMG. Quel message voulez-vous faire passer ?
Dr A. G. : C’est l’heure des choix pour les pouvoirs publics. S’ils veulent conserver un système organisé, cela nécessite forcément un investissement pour les soins primaires, alors que les financements ont diminué ces dernières années. Il faut de l’attractivité pour notre profession de médecin généraliste traitant. Nous avons beaucoup évolué en interprofessionnalité, dans la prise en charge globale, tout ça face à une pression démographique croissante, des consultations beaucoup plus complexes… Nous allons continuer de le faire à condition qu’on nous en donne les moyens !
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