Le directeur de la Cnam, Thomas Fatôme, l’a annoncé aux partenaires conventionnels. La troisième grande réunion multilatérale programmée le 25 janvier ne sera pas la date butoir de signature de la future convention médicale, mais probablement celle qui devrait dévoiler le montant de l’enveloppe dévolue aux principales revalorisations, même si les négociations peuvent toujours se prolonger.
C’est à ce moment « qu’on entrera vraiment dans le dur », analysent, unanimes, les leaders syndicaux. Certains redoutent déjà que le montant final proposé ne soit pas supérieur à celui mis sur la table début 2023, lors du round précédent, ayant viré au fiasco, lorsque les syndicats avaient claqué la porte des négos. Pour mémoire, l’investissement au titre de l’ensemble des mesures était alors évalué à 1,5 milliard d'euros. Une enveloppe déjà jugée insuffisante par la profession. « Et elle est maintenant amputée par le passage à 26,50 euros de la consultation, depuis novembre, que prévoyait le règlement arbitral », analyse le Dr Luc Duquesnel, chef de file des généralistes de la CSMF.
Dans ce contexte, une autre question commence à être source de crispations, celle de l’équilibre financier entre les médecins généralistes et les spécialistes. De fait, le passage inconditionnel de la consultation de référence à 30 euros amputerait une bonne partie des marges de manœuvre des autres spécialités cliniques et techniques. « On voit bien que c’est une convention qui veut mettre en avant les médecins traitants, confie le Dr Bruno Perrouty, président des spécialistes de la CSMF. Mais il faut que la convention soit équilibrée, même si nous savons que ce ne sera pas exactement un équilibre à 50/50 ». Mais hors de question de ne ramasser que des miettes.
Spécialistes : un enjeu sur la CCAM
« Nous voulons que la convention garantisse une augmentation pour l’ensemble des spécialités et pas uniquement pour la médecine générale car nous avons tous été gravement impactés par l’inflation », met en garde la Dr Sophie Bauer, présidente du SML, qui déroule son menu pour les spés. « On a un enjeu majeur sur la classification commune des actes médicaux (CCAM), sur l’avis ponctuel de consultant (APC), sur certaines consultations longues et complexes qu’on veut instaurer, ainsi que certains cumuls de cotations NGAP/CCAM », détaille la chirurgienne thoracique.
De telles revendications sont-elles compatibles avec un C à 50 euros, que continuent à réclamer plusieurs organisations ? « Parmi nos partenaires, il est clair que l’UFML-S et la FMF partagent à peu près notre vision des choses », explique la présidente du SML. Qui n’hésite pas à donner un coup de griffe à ses autres petits camarades. « On a l’habitude que la CSMF et MG France aient, eux, déjà le stylo entre les dents », autrement dit que ces syndicats soient plus enclins à un compromis.
Selon certaines sources syndicales, MG France serait prêt à signer dès lors que le forfait médecin traitant sera significativement réévalué pour l’ensemble des généralistes et sans contrepartie d’engagement individuel, comme le prévoyait l’ancien contrat d’engagement territorial (CET). La Cnam a donné des gages en ce sens en jetant aux oubliettes le CET et en accordant une place prioritaire aux revalorisations ciblant le médecin traitant. Pas question de braquer MG France, qui pèse 36,6 % des voix dans le collège généraliste...
Alliance des syndicats monocatégoriels ?
Du côté des spécialistes, c’est l’union Avenir Spé-Le Bloc, majoritaire aux dernières élections professionnelles avec 39,3 % des suffrages, qui a les cartes en main. « L’accord conventionnel ne pourra se faire que si MG France et Avenir Spé signent », reconnaît le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S. Le défi pour la Cnam reste donc de trouver un accord sur deux jambes. « À ce stade, je ne vois pas de risque que les spécialités se retrouvent sur le bas-côté de ces négos, veut croire le Dr Patrick Gasser, patron d’Avenir Spé, qui affiche toutefois sa fermeté. S’il n’y a pas d’enveloppe à peu près similaire entre généralistes et spécialistes libéraux, alors que nous sommes plus nombreux, nous ne signerons pas », assène le gastro-entérologue de Nantes. Pour le patron d’Avenir Spé, « les difficultés d’attractivité du métier sont sensiblement les mêmes, c’est pourquoi il faut une négo qui ouvre des perspectives à tout le monde ».
Selon nos informations, plusieurs réunions se sont tenues entre les leaders des deux syndicats monocatégoriels – MG France et Avenir Spé – en raison de leur positionnement stratégique dans ces pourparlers. « Nous avons échangé pour savoir comment parvenir à une vision partagée et cohérente, comment nous pouvons trouver la meilleure articulation entre le premier et le second recours », confirme la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, qui se veut constructive. « Nous n’avons rien contre une expertise des spécialistes bien rémunérée. Quant aux équipes de soins spécialisés, si c’est pour donner un meilleur accès aux médecins traitants lorsqu’ils ont besoin d’un spécialiste, alors MG France soutiendra ! », affirme la Dr Giannotti.
Pour être conclue, la convention médicale devra recueillir la signature dans chaque collège (généralistes et spécialistes agrégés) d’un ou plusieurs syndicats ayant réuni au moins 30 % des suffrages nationaux exprimés. Mais pour s’opposer à une convention, les organisations représentatives doivent réunir la majorité des voix, dans chacun des collèges. De quoi alimenter les calculs et les alliances...
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre