« Nous avons atteint 40 % de notre objectif 2023 » : le satisfecit de la Cnam dans sa lutte contre la fraude

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Publié le 05/10/2023

Crédit photo : Meigneux / Phanie

146,6 millions d'euros. C'est le montant des fraudes « détectées et stoppées » par l'Assurance-maladie au 30 juin 2023. Cela représente une hausse spectaculaire de 30 % par rapport au semestre de l'année précédente, s'est félicité ce jeudi, le directeur général de la Cnam, lors de la présentation d'un bilan d'étape de son plan de lutte contre la fraude. « À mi-parcours de l'année 2023, nous avons déjà atteint 40 % de notre objectif », s'est-il réjoui.

Au regard des résultats de juillet et d'août qui confirment la tendance, Thomas Fatôme se montre résolument optimiste sur sa capacité à maintenir les efforts et aboutir à l'objectif de 380 millions d'euros de fraudes détectées d'ici la fin de l'année 2023 et même 500 millions d'euros d'ici 2024. « Nous devrions être en ligne avec nos objectifs », a-t-il assuré.L'an dernier déjà, l'Assurance-maladie avait enregistré un record avec 315 millions d'euros de fraudes détectées et stoppées. Cela représentait alors une hausse de 44 % par rapport à l'année 2021, marquée par la crise Covid et le ralentissement des contrôles de l'Assurance maladie.

Spécialistes : 100 millions d'euros de préjudices estimés

Comme en 2022, plus des deux tiers des préjudices stoppés au cours du 1er semestre 2023 portent sur des frais réalisés en ville et facturés à tort. La facturation de soins et d'actes fictifs, le trafic de médicaments ou encore les déclarations frauduleuses de ressources sont les fraudes les plus courantes observées par la Cnam.

Au total, les professionnels de santé sont à l'origine de 102 millions d'euros (+19 %) de préjudices au 1er semestre 2023 quand les établissements de santé représentent 14 millions d'euros (+ 138 %) du préjudice global. Celui attribué aux assurés est évalué à 39 millions d'euros.

« Si la fraude reste le fait d'une minorité de professionnels de santé, les montants en valeur absolue sont élevés », a souligné le DG Thomas Fatôme. Pour évaluer au mieux ce phénomène de la fraude chez les soignants, l'Assurance-maladie a cette année passé au crible trois nouvelles professions : les médecins spécialistes, les masseurs-kinésithérapeutes ainsi que les chirurgiens-dentistes.

Concernant les spécialistes, les évaluations révèlent un taux de préjudice financier de 2,6 à 4 % sur les remboursements de ce secteur (celui des généralistes était estimé entre 3,1 et 3,5 %, NDLR). Cela représente entre 60 et 96 millions d'euros par an sur l'ensemble des remboursements de médecine spécialisée. Le non-respect de la nomenclature ou de la réglementation et les prestations fictives constituent les principales fraudes. L'exercice illégal de la médecine se place en troisième position chez les médecins spécialistes. « On note par exemple des situations de non-respect d'une interdiction d'exercice prononcée par le conseil de l'Ordre, l'exercice d'une activité par une personne ayant présenté un faux diplôme ou la facturation d'actes par un tiers non autorisé », précise la Cnam.

Le taux des remboursements de soins des chirurgiens-dentistes entachés par la fraude est, lui, quasi-identique à celui des médecins spécialistes et se situe entre 2,4 % et 4 % pour un montant compris entre 60 et 96 millions d'euros. « Il s'agit souvent d'acte fictif comme le retrait de la même dent à deux reprises », illustre Marc Scholler, directeur délégué de la lutte contre la fraude à la Cnam.

Concernant les kinés, les travaux de la Cnam font apparaître un taux de préjudice financier estimé entre 5,2 et 6,8 % soit une fourchette de 166 à 234 millions d'euros par an.

Sanctionner plus vite et plus fort

Les professionnels de santé faisant l'objet de remboursements anormaux avec notamment des « atypies de facturation » ou des « prescriptions plus élevées que leurs confrères » continueront d'être contrôlés et surveillés, assure la Cnam. Et pour accompagner cette montée en puissance de la lutte anti-fraude, 300 nouveaux agents devraient être recrutés courant 2024 ce qui portera leur nombre à 1 800.

Outre cette politique de ciblage, l'Assurance-maladie entend également accroître sa présence sur internet pour combattre la vente de faux arrêts de travail, les trafics de médicaments par la revente de fausses ordonnances ou encore les fraudes au RIB.

Cyberenquêtes

En vertu de la loi Sécu 2023, certains agents des équipes de la Cnam pourront disposer de prérogatives cyber dans le cadre des enquêtes et des contrôles menés. Au total, 60 agents cyber-enquêteurs seront opérationnels d'ici la fin du 1er semestre 2024.

Sur le plan contentieux aussi, la Cnam continuera d'amplifier ses actions à l'encontre des fraudeurs. Au premier semestre 2023, l'organisme a enregistré une augmentation de 15 % des suites contentieuses engagées en comparaison à l'année dernière. Au total, plus de 3 700 procédures ont été déclenchées dont plus de 1 600 au pénal, 25 procédures ordinales et 26 procédures conventionnelles.

130 sociétés d'audio-prothèses dans le viseur 

L'Assurance-maladie va enfin contrôler 130 sociétés d'audio-prothèses en France pour vérifier leurs pratiques, alors que le secteur en pleine explosion est marqué par des fraudes importantes. En trois ans, de 2019 à 2022, le nombre de personnes équipées a doublé – passant de 400 000 à 800 000 – et les remboursements de l'Assurance maladie ont atteint 420 millions d'euros en 2022. 

Mais ce décollage du marché s'est accompagné de l'arrivée d'acteurs peu scrupuleux et d'escrocs, qui facturent des prothèses qui n'ont jamais été posées, installent des équipements simples tout en facturant les plus coûteux, ou équipent des gens qui n'en ont pas besoin. 


Source : lequotidiendumedecin.fr