Précédemment, suite aux Troisièmes Journées de la FNMSP (Fédération nationale des maisons de santé pluridisciplinaires) j’avais réagi pour dénoncer la mise à l’écart de 97,4% des médecins du système de santé et le fait que, via les nouveaux modes de rémunérations, ne financeraient que les quelques 3 000 médecins exerçant en maisons de santé pluridisciplinaires et les soins dispensés à leurs seuls patients (Le Généraliste n° 2678).
Le 19 juin 2014, s’agissant des négociations en cours, Madame Touraine menace de recourir à un règlement arbitral, faute d’un accord d’ici le mois de juillet. La ministre fait le constat que les discussions achoppent sur le cadre juridique à retenir, entre un accord-cadre interprofessionnel (ACIP) négocié entre l’UNCAM et l’UNPS (Union nationale des professionnels de santé) et des accords conventionnels interprofessionnels (ACI) directement discutés avec une ou plusieurs professions.
Dès lors, pourquoi ces difficultés à définir un cadre juridique de négociations ? Et, pourquoi cette pression ministérielle ? À la première question, il convient de constater qu’un accord ACIP conclu entre l’UNPS et l’UNCAM s’applique à l’ensemble des professionnels et ses dispositions sont déclinées dans les conventions nationales propres à chaque profession.
Un accord ACI conclu entre un ou des syndicats représentatifs et l’UNCAM concerne notamment des engagements de signataires, collectifs et individuels portant sur l’évolution de l’activité des professions concernées. (2éme alinéa de l’article 162-14-1 du code de la Sécurité sociale). On comprend qu’un accord ACIP intéressera tous les professionnels de santé, là où un accord ACI ne concernera que ceux des professionnels qui signeront des engagements avec les ARS.
D’où deux clans syndicaux. Ceux qui œuvrent pour l’ensemble des professionnels de santé (essentiellement SML et CSMF). Et ceux qui œuvrent pour les structures organisées (MG France).
Rappelons que les expérimentations ayant pour fin le 1er janvier 2015, les 500 MSP ne pourront plus percevoir les 40 à 50 000€ annuels attachés aux expérimentations, que, déjà onéreuses à faire fonctionner, on recherche une solution pour les « financer ». Autre fait l’UNCAM qui, au départ, avait budgété 10 à 15 millions d’euros envisage maintenant un financement à hauteur de 25 millions d’euros (50 000 € X500 MSP !!?).
Pression ministérielle
Depuis 2012, les « négociations » conventionnelles résultent d’une commande ministérielle fixant un cadre restreint, dicté par le gouvernement, avec pseudo-négociation propre à laisser penser que le dialogue social à accoucher d’un texte proposé, accepté et soutenu par la profession. Il en a été ainsi de l’avenant 8, il en est de même des négociations actuelles.
Madame Touraine porte sa stratégie nationale de santé avec le tiers payant généralisé et le service territorial de santé et l’organisation des parcours.
Bien évidement cela implique que les MSP intégrées à sa stratégie, pivots, soient, en apparence du moins, perçues comme économiquement viables. Pour certains syndicats, cela sonne le glas de la médecine libérale.
La fin des « subventions » octroyées au motif d’expérimentations met donc en péril ce fragile édifice. Il faut donc à tout prix sauver le soldat « MSP », et, dans un contexte de restrictions budgétaires, il n’est pas possible de mettre sur la table le demi-milliard d’euros utile aux soins de proximité pour tous, on ne mettra donc que 25 millions pour les seules MSP et on fera pression pour que l’accord soit un accord ACI et non un accord ACIP (L’accord ACIP étant soutenu par l’alliance des syndicats majoritaires).
La menace d’un réglement arbitral
Madame Touraine, forte des expériences passées, sort donc la menace d’un règlement arbitral (le 49-3 du code de la Sécurité sociale) si un « accord » n’intervient pas avant fin juillet.
Mais voilà, qui dit règlement arbitral dit procédure reposant sur l’article L162-14-2 du code de Sécurité sociale avec ses voies de recours chronophages et, surtout, lorsque l’arbitre enfin désigné présentera son texte – qui n’en doutons pas ira dans le strict sens de la politique gouvernementale – il devra pour être recevable être compatible avec l’article L 162-15 du même code qui expose qu’il ne peut être porté atteinte au principe d’un égal accès aux soins. Le ministère a en charge de veiller au respect de ce point essentiel.
Ne pas mettre à la disposition de tous les professionnels de santé les mêmes moyens de dispensation des soins de proximité constitue une atteinte au principe d’égal accès aux soins des patients conservant le libre choix de leurs soignants. Donc, à valider un accord qui ne respecterait pas ce point, (c’est la teneur d’un accord ACI), les syndicats seront dans l’obligation de diligenter un recours devant le Conseil d’Etat en annulation.
Il s’agit donc bien d’une négociation à front renversé, là où les syndicats et l’UNCAM présentaient un texte et où le ministère veillait à sa conformité en cas de règlement arbitral nous aurons donc le ministère présentant un texte, les syndicats veillant à sa légalité…
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