« J’ai l’impression que les pouvoirs publics ne saisissent pas l’ampleur de notre colère », lâche un généraliste syndiqué de MG France à l’issue du colloque organisé jeudi 26 janvier. Drôle d’ambiance dans l’auditorium de la Maison des pharmaciens à Paris, où a lieu le rassemblement.
Tour à tour, le Dr Agnès Giannotti, présidente du syndicat, confronte Thomas Fatôme, directeur de la Cnam et François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention. Si les échanges sont courtois – chacun se félicite de sa présence dans ce contexte « houleux » – la présidente profite de cette tribune pour dérouler ses revendications.
Les généralistes comme boucs émissaires
Critique des conditions de travail des Français et donc des médecins aussi, des propositions du Comité de liaison des institutions ordinales (Clio) et de la proposition de loi Rist « désastreuse »… la liste des doléances du Dr Giannotti est longue. « Nous servons de boucs émissaires », dénonce-t-elle encore.
« La profession est en colère et percutée de plein fouet par la proposition de loi Rist, cynique, même dans son nom ! (Amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, ndlr) » Pour elle, « seuls les actes compteront ! » Ainsi, pour que les syndicats retournent à la table des négociations, indique-t-elle, « il faut que la consultation soit indexée sur l’inflation, sans conditions ; et qu’on ait l’assurance que l’enveloppe budgétaire soit plus élevée. Car sans les moyens, on n’y arrivera pas ! MG France ne signera pas une convention avec des contraintes pour les généralistes. »
Déverrouiller l'enveloppe budgétaire
Mais la médecin généraliste installée dans le XVIIIe arrondissement de la capitale ne s’arrête pas là. Elle veut être force de propositions. « L’avenir, c’est l’équipe autour du médecin traitant », assène-t-elle. « Les médecins généralistes savent s’adapter », défend-elle. « Si nous mettons des lignes rouges, ce n’est pas par plaisir, c’est parce que nous savons que si elles sont franchies, ça ne marchera pas ! », lance-t-elle à Thomas Fatôme, gêné, sous les applaudissements des généralistes présents.
« Nous avons coincé dans la discussion avant même que celle-ci démarre. Notamment au sujet du montant de l’enveloppe qu’il faut déverrouiller ! » Finalement, ce que reproche le Dr Giannotti à l’exécutif, c’est de ne pasavoir « une perspective qui va plus loin que l’été ou la prochaine épidémie. » Ce qu’elle réclame, sans ambages, c’est « un plan Marshall pour la médecine libérale ! »
Thomas Fatôme veut construire avec les syndicats
De son côté, Thomas Fatôme, promu en ce début d'année chevalier de la Légion d'honneur, tente de rassurer. Les libéraux sont un « bien précieux », une « médecine de proximité qui rend un service immense aux Français ». Pour lui, peut-être y a-t-il « des malentendus » et de « l’épuisement »… sans toutefois se montrer insensible aux revendications des libéraux. « Nous entendons tout cela ! », affirme-t-il.
Pour lui, face à la crise du système de soins, la question est la suivante : « est-ce que collectivement, nous pouvons y arriver ? » Car, poursuit-il, les solutions sont là : « redonner du temps médical, favoriser l’exercice coordonné… » L’Assurance maladie, assure-t-il, « veut construire avec les syndicats médicaux et historiquement, MG France a été à l’origine des maisons de santé, des assistants médicaux, des CPTS etc. » Alors, « il faut saisir l’opportunité qui est là : la négociation peut aboutir à un compromis. Nous avons quatre semaines ! », enjoint-il.
Vives critiques sur la PPL Rist
Sur les (nombreuses) critiques à l’égard de la proposition de loi Rist, le directeur général de la Cnam s’est emporté, appelant à la rationalité. « Regardez ce qui est écrit et voté : ce sont des textes publics ! », avant d’ajouter : « il n’y a rien dans cette PPL qui nous empêche de travailler sur cette convention médicale ».
Autre son de cloche lors de la table ronde organisée dans le cadre du colloque : « la PPL Rist ne tombe vraiment pas au bon moment… Quelle était l’urgence, alors que la négociation conventionnelle est bloquée ? C’est une maladresse sans nom ! », clame Catherine Deroche, présidente de la commission des Affaires sociales du Sénat, sous les applaudissements de la salle et les yeux de Marie Daudé, directrice générale de l’offre de soins (DGOS) et du Pr Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale (CMG), tous deux également présents à la table ronde.
Braun soigne son texte mais pas les maux des libéraux
Arrivé pour conclure la matinée, François Braun a prononcé un discours se voulant rassurant pour les généralistes : « vous n’êtes pas responsables de la dégradation du système de santé. J’entends votre ras-le-bol et je ne le comprends que trop bien. Et pourtant vous êtes là ! Votre mobilisation a notamment été exemplaire pendant la crise des hôpitaux cet été ».
Le médecin urgentiste veut trouver des solutions « territoire par territoire », rappelant son opposition aux mesures coercitives. « Mais si nous n’avons rien d’autre à proposer, ça nous sera imposé ! », lâche-t-il. Se disant attaché « au médecin traitant au milieu du parcours de soins », François Braun cite les vœux du président de la République, puis dit « oui à l’équipe traitante coordonnée autour du médecin traitant, qui sera le chef d’orchestre, avec une partition jouée différemment en fonction des territoires. Je serai attentif aux fausses notes ».
Revaloriser le rôle du généraliste
Quant aux revalorisations, le ministre reste évasif. « Je veux qu’on revalorise le rôle du médecin généraliste, qui va évoluer, s’adapter aux nouvelles contraintes et aux nouveaux outils numériques ». Ce sont des questions qu’il veut « traiter dans les jours qui viennent avec vous », affirme-t-il aux généralistes.
Enfin, François Braun distille en conclusion une métaphore marine, assurant que, malgré vents et marées, « vous pouvez compter sur moi pour mener la barque et parfois changer la route ». Pourtant, selon les médecins, ce qui compte, c’est le point d’arrivée. Dans le brouillard, ils n’arrivent pour l'instant pas à le distinguer…
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