Vieillissement de la population, explosion des maladies chroniques, pénurie médicale… Face à ces trois facteurs qui freinent le suivi à domicile des patients âgés en perte d’autonomie, les soignants de ville doivent faire preuve d’ingéniosité. Lors du dernier congrès de la médecine générale (CMGF), plusieurs centres de santé ont partagé leurs solutions pour mieux prendre en charge cette population fragile.
Dans le Nord, un réseau départemental de quatre centres expérimente un modèle collaboratif pour faciliter les visites à domicile. « Ici, dans le Grand Douaisis, territoire plutôt rural, huit généralistes avec des patientèles énormes sont partis à la retraite entre juin et décembre 2022, explique Saliha Grévin, directrice de l’offre des soins du Nord. Parmi ces patients sans médecin traitant, les personnes âgées, en situation de handicap, en grande vulnérabilité ou en exclusion sociale sont surreprésentées.
Un rôle bien défini
Le réseau nordiste liste tout d’abord les patients « prioritaires » pour lesquels les visites à domicile sont incontournables. « Ce sont des patients qui nous sont orientés par des infirmiers libéraux, les pharmaciens ou le pôle autonomie du département », précise Saliha Grévin. Pour prendre en charge cette population qui n’a parfois pas vu de médecin « depuis plusieurs mois », l’équipe en place est composée d’un médecin, un infirmier en pratique avancée (IPA) et un assistant médical. Un premier rendez-vous est assuré par le généraliste ou le gériatre chargé du diagnostic et de la mise en place des traitements, accompagné de l’IPA en appui pour pouvoir ensuite assurer le suivi.
Pendant cette consultation, l’assistante médicale est chargée de récupérer tous les éléments nécessaires (ordonnances, comptes rendus hospitaliers, etc.). « Pour les rendez-vous suivants, le médecin ne se déplacera pas, indique Saliha Grévin. Mais en cas de problème, il se rendra à domicile accompagné de l’assistante médicale, qui va être garante de la gestion administrative. » Le nombre de visites dépend de la situation clinique du patient. « Sur certaines prises en charge de patients très fragiles, justifie la directrice, l’IPA peut y retourner tous les deux jours. » Depuis l’ouverture de l’expérimentation en 2024, plus de 2 800 visites à domicile ont été effectuées sur les quelque 21 500 consultations enregistrées au total sur le centre du Grand Douaisis, l’une des quatre structures du réseau.
Gain de temps pour le médecin
Ce type d’organisation pluriprofessionnelle n’est pas propre aux zones rurales. Dans la banlieue parisienne, à Nanterre (Hauts-de-Seine), deux centres de santé polyvalents et médicaux de la ville ont mis en place un binôme constitué d’un généraliste et d’une IPA spécialisée en pathologie chronique stabilisée. Là aussi, les deux professionnels assurent conjointement la première visite puis établissent le protocole de suivi adapté au patient. « L’intervention de l’IPA se fait de façon alternée avec le médecin, ce qui permet à ce dernier de gagner du temps », explique la Dr Hélène Colombani, généraliste directrice des politiques de santé de la ville et présidente de la Fédération nationale des centres de santé.
Dans cette organisation, les tâches à remplir par l’IPA à domicile relèvent d’un suivi classique d’une pathologie chronique : interrogatoire, prise de constantes, renouvellement des ordonnances, soutien psychologique, éducation thérapeutique, observance des traitements et coordination avec les autres intervenants à domicile. Un temps de réunion hebdomadaire du binôme est prévu pour faire le point sur les patients qui bénéficient de ces visites. « Sur les 150 patients suivis régulièrement à domicile par l’un des deux centres de la ville, 68 ont été vus par le nouveau binôme en 2022. Aucun patient n’a refusé cette coordination en équipe », relève, satisfaite, la Dr Colombani.
Le rêve du centre de Malakoff d’un binôme assistant-médecin
Dans les Hauts-de-Seine, le centre de santé Maurice-Ténine, à Malakoff, réfléchit à lancer un binôme médecin-assistant médical pour organiser des visites en Ehpad et anticiper les prébilans. En attendant que ce rêve devienne réalité, la structure a instauré un roulement original entre ces dix médecins généralistes salariés pour les patients à domicile. Sur appel ou prise de rendez-vous, les visites « justifiées » sont assurées du lundi au vendredi. « Chaque médecin choisit un créneau d’une demi-journée pour le suivi, le renouvellement d’ordonnances ou encore l’évaluation pour perte d’autonomie », détaille le Dr Pierre de Brémond d’Ars, généraliste. Pour une demi-journée, le médecin, qui se déplace à vélo, arrive à voir en moyenne 4 à 5 patients. De retour, les informations sont transmises au secrétariat. « Un débriefing est prévu avec les collègues et nous travaillons en lien avec les services de soins infirmiers à domicile du secteur », poursuit le praticien. Près de 700 visites sont effectuées tous les ans dans ce cadre.
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