« L’heure n’est pas à la joie, il va falloir que nous nous battions », a lancé ce vendredi à ses troupes la Dr Sophie Bauer, présidente du Syndicat des médecins libéraux (SML), inaugurant à La Rochelle ses Journées annuelles. Un événement qui a vocation à « nous mettre en ordre de bataille », avance même la chirurgienne thoracique, à une semaine d'une journée de grève intersyndicale, le 13 octobre. Le SML reste particulièrement remonté à la fois contre la proposition de loi du député (Horizons) Frédéric Valletoux sur l'accès aux soins et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), bientôt en discussion au Parlement.
Sur le premier sujet, le SML s’insurge contre les « nouvelles contraintes » de cette PPL Valletoux en matière de permanence des soins. Le texte veut « nous enfermer de force dans des associations de loi 1901 alors que l’esprit même de cette forme juridique, c’est le volontariat », explique la présidente du SML. Son syndicat refusera « les gardes obligatoires », dans un contexte où « 96 % des secteurs sont couverts ». D’autant que les praticiens libéraux sont déjà « totalement impliqués » dans la permanence des soins en établissement de santé (PDS-ES) « et souvent bénévolement, dans les cliniques et les hôpitaux privés ». Elle demande aussi qui payera le repos compensatoire post-garde des libéraux, sujet qui n’a pas été évoqué par la loi Valletoux.
Médecins « dans la nasse »
À propos du prochain budget de la Sécurité sociale, le syndicat dénonce la possibilité, pour les médecins du travail, de déléguer (sous leur contrôle) aux infirmiers certains examens périodiques des salariés agricoles. Une expérimentation qui pourrait être pérennisée et généralisée. « Après les avoir subventionnés, éliminés avec des pesticides, on ne peut même plus avoir le droit à suivi médical remboursé par un médecin, nous sommes un pays merveilleux ! », se désole la Dr Bauer.
La question du contrôle des prescriptions d'arrêts de travail reste une autre épée de Damoclès. Dans le cadre de la procédure de mise sous objectifs (MSO), le syndicat s'inquiète de la suppression de l’avis de la commission des pénalités. Si tel était le cas, « il n’y aurait plus de contradictoire », met en garde la présidente du syndicat (même si la Cnam s'en défend). Et de critiquer vertement cette procédure de mise sous objectifs, « un système anti-déontologique où on vous demande de prévoir à l’avance combien de jours d’arrêts de travail vous allez donner à la population que vous n’avez pas encore soignée ». En clair, « on fait de nous des Madame Irma », grince la présidente du SML. Et de fustiger l'Assurance-maladie qui entend mettre « 1 000 médecins dans la nasse ».
Agnès Firmin Le Bodo défend la « responsabilité collective »
Intervenant en visio, la ministre déléguée aux Professions de santé Agnès Firmin Le Bodo s'est employée à rassurer les cadres syndicaux inquiets. Celle-ci a rappelé les priorités du gouvernement, à la veille de la reprise des négociations conventionnelles : attractivité de la médecine libérale, pertinence des soins, renforcement du rôle du médecin traitant et structuration de la médecine spécialisée. Sans oublier l’évolution des modes de rémunération qui devront être « plus adaptés aux parcours complexes de certains patients ». Un objectif qui ne plaira pas forcément au SML, attaché depuis toujours à la prédominance absolue du paiement à l'acte.
Sur la PDS-A, la ministre a défendu « le principe de responsabilité collective dans tous les territoires ». Et de citer à son tour certains chiffres de l’Ordre : 38 % des médecins susceptibles de prendre une garde sont « volontaires pour le faire », tandis que 33 % des secteurs sont couverts par « 10 médecins ou moins », et 18 % par « 5 médecins ou moins ». « Plus il y aura de médecins qui participent, plus la charge sera répartie entre les médecins », plaide Agnès Firmin Le Bodo pour qui « la responsabilité collective ne veut pas dire une obligation pour tous ».
« Pipeau et violon ! »
Quant au repos compensatoire post-garde des praticiens libéraux, la ministre a botté en touche. « Ce n’est pas nous qui faisons les négociations conventionnelles. Cela fera partie des sujets que vous devrez apporter au débat ». Réplique de la présidente du SML : « Il semblerait que cela soit de l’ordre de la loi, et non de l’ordre de la convention, Madame la ministre ».
Dans la salle, certains médecins semblaient se faire assez peu d'illusions. « La ministre n’est pas pharmacienne pour rien, son discours ne passe pas trop…». Un de ses confrères a demandé le micro : « Ce matin, j’ai assisté une matinée musicale : pipeau et violon de la ministre ! ».
Aide médicale d’État (AME) : dans un centre de PMI en première ligne, deux sénateurs prennent le pouls du terrain
Un partenariat Doctolib/Afflelou ? Les ophtalmos libéraux ne font pas « tchin-tchin »
Enquête sur les restes à charge « invisibles » : 1 500 euros par an et par personne, alerte France Assos Santé
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins