Le marché des cessions de clientèle semble s’être réduit à peu de chose, alors qu’elles étaient courantes voici quelques années. Elles sont beaucoup plus rares aujourd’hui, en tout cas chez les médecins généralistes du fait d’une conjonction de facteurs : moins de jeunes optent pour le libéral, a fortiori s’il s’agit d’un exercice en solo, et, compte tenu de la démographie actuelle vieillissante, un jeune praticien qui souhaite s’installer peut tout à fait ouvrir un cabinet juste à côté de celui d’un médecin qui part à la retraite et capter sa clientèle sans verser le moindre euro.
Le marché plonge
Ainsi, la valeur de la patientèle a-t-elle fondue, voire ne vaut plus rien. Pour les nouveaux arrivants, les montées en charge d’activité sont plus rapides et un praticien en exercice préférera souvent laisser sa patientèle, sans contrepartie financière, plutôt que de n’avoir aucun repreneur. « Je n’ai pas dû racheter ma patientèle. D’ailleurs, les rachats de patientèle ne se pratiquent plus, compte tenu du faible nombre de jeunes médecins candidats à l’installation », confirme une jeune généraliste.
Dans une étude réalisée en 2016, la société Interfimo, spécialisée dans le financement des projets d’installation confirmait que « la valeur vénale des cabinets a chuté en quelques années, et il est impossible, pour un bon nombre de praticiens partant à la retraite de céder à un successeur. » La médecine générale semble plus particulièrement affectée par la chute du marché des cessions de clientèle. Ainsi, parmi les médecins, plutôt rares, qui ont eu la chance de vendre leur clientèle, c’est dans cette discipline qu’on observe les prix les plus faibles : selon Interfimo, en moyenne 32 % du chiffre d’affaires contre 48 % dans les autres spécialités.
Dans une zone plutôt dense, comme la Côte d’Azur, racheter une patientèle, même à un prix modique, présentera toutefois l’avantage pour le praticien en phase d’installation d’être assuré tout de suite d’un minimum de consultations. Encore faut-il que ses patients en soient informés, ce qui demande au jeune installé l’effort de tous les contacter pour les informer. Faute de quoi, la CNAM leur enverra une lettre les informant de la cessation d’activité de leur prédécesseur, laissant les patients livrés à eux-mêmes. « Je n’étais pas au courant que mon médecin quittait ma ville et arrêtait son activité. J’en ai été informée par un courrier de la Sécurité Sociale. C’est avec persévérance que j’ai appelée au numéro du secrétariat et ai alors appris que mon praticien avait un successeur, qui était… son remplaçant, qui m’avait d’ailleurs déjà soignée », souligne une patiente…
Choisir entre une création et une reprise
En individuel, les installations s’orientent donc de plus en plus vers les créations, jugées moins coûteuses, surtout si des travaux sont à prévoir dans l’ancien cabinet pour le mettre aux normes. Mais créer un cabinet prend plus de temps et représente aussi un challenge supplémentaire à relever. Tout jeune devra alors évaluer la taille de la population de l’agglomération où il s’installe et, par là même, sa clientèle potentielle, puis évaluer le temps et le coût de constitution d’une nouvelle patientèle, et les comparer au prix qui aurait été déboursé pour une reprise. Acheter un cabinet, même sans débourser un euro pour une reprise de patientèle, peut être aussi conditionné à la reprise des murs ou du matériel.
Opter pour une part en MSP
Et pour le reste, le marché s’est déplacé vers les structures collectives. Les parts d’association au sein d’une maison de santé pluridisciplinaire ou d’un cabinet de plusieurs confrères se vendent encore plutôt bien. Et dans ce cas, un critère financier entrera alors en compte, surtout si un emprunt doit être contracté. Ai-je les moyens de payer la reprise ? Comment la financer ? Aurai-je suffisamment de revenus pour rembourser mon prêt ? Autant de questions auxquelles il faudra répondre avant de se décider. Mieux vaut donc estimer le potentiel d’une création versus une reprise, évaluer la concurrence, faire un calcul financier si la reprise s’accompagne d’un rachat de matériel, des meubles, voire des murs.
Les solutions alternatives pour limiter les risques
Créer un cabinet à plusieurs en réunissant la patientèle de chacun offre enfin une alternative. D’autant que les jeunes sont de plus en plus nombreux à vouloir s’installer regroupés. Autre possibilité moins risquée qu’une création ou une reprise : commencer par être collaborateur libéral dans un cabinet et entrer plus tard dans le capital pour y être associé. Un jeune diplômé qui a commencé à travailler dans une structure qui compte plusieurs praticiens, et qui y aura fait ses preuves, se verra souvent au bout de quelques années proposer d’entrer au capital.
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