Partir étudier en Roumanie mais effectuer ses stages dans son pays natal, c’est ce qu’ont pu réaliser 23 étudiants de médecine inscrits à l’Université de médecine Iuliu Hatjieganu de Cluj-Napoca. Ils ont choisi d’effectuer cet été leur stage de deuxième année en Ardèche. Ce département de la région Rhône-Alpes multiplie les démarches pour redonner une dynamique au territoire et développe une stratégie « de proactivité dans l’attractivité médicale », souligne Sandrine Genest, vice-présidente du Pôle Santé du conseil départemental. Pour mettre en œuvre cette politique, des stages sont proposés à des étudiants de la deuxième à la cinquième année, mais pas seulement. Ainsi, le département entend attirer des jeunes venus d’autres régions mais aussi de Roumanie, afin de leur faire découvrir la médecine de campagne et de montagne. Le Dr Rémi Fontanel, généraliste et maître de stage, ajoute en souriant qu’il est bon d’attirer de potentiels nouveaux médecins sans tomber dans « le pathos : l’Ardèche des chèvres, cherche médecins ».
Ce partenariat avec l’Université de Cluj a été établi à l’initiative du Dr Sylvain Bouquet, père d’une étudiante partie étudier en Roumanie, « qui a signalé ce vivier encore inexploité », se remémore le Dr Fontanel. François Arsac, président de la communauté d’agglomération Privas Centre Ardèche, est alors allé découvrir la faculté de Cluj. Une fois le partenariat établi, tout a été organisé pour accueillir ces étudiants. Répartis entre Tournon, Saint-Cierge-la-Serre et Lamastre, ils peuvent effectuer leur stage à l’hôpital ou dans des cabinets libéraux, selon leurs besoins.
Ces étudiants sont partis en Roumanie, faute d’avoir été sélectionnés en France. C’est le cas de Célia, 21 ans, en deuxième année de médecine. Après avoir échoué — à une place près — au PASS et au L.AS, elle a postulé en parallèle pour la faculté roumaine, hésitant entre rester en France pour effectuer une licence avant de retenter médecine ou partir directement à Cluj. Elle a choisi la Roumanie. Même parcours pour Daphné, 20 ans, originaire de Paris : qui n’avait eu que kiné et maïeutique. Elle remplit son dossier à la fin de sa PASS, et décide d’aller directement en médecine en Roumanie où elle était acceptée, plutôt que de prendre le risque de ne pas réussir en France. « Les critères de sélection sont flous en France, confie-t-elle. Je n’avais pas envie de prendre le risque de perdre à nouveau un an et de rester encore dans l’incertitude. »
Un coût d’études élevé, mais un rythme jugé plus sain
Étudier à Cluj n’est pas anodin financièrement : il faut compter 8 500 € par an, auxquels s’ajoutent mensuellement 875 € de loyer et environ 350 € de budget nourriture. Mais le rythme de la formation diffère de celui imposé en France. « Le stress est concentré sur des plus courtes périodes, explique Daphné, alors que nous le vivons au quotidien en France. Vivre, étudier, aller en cours est beaucoup plus pratique. Mentalement, cela va beaucoup mieux. De plus, les rattrapages n’impactent pas l’année ». Célia considère aussi le cadre roumain plus favorable : « Nous sommes accompagnés, nous avons un contrôle continu tous les quinze jours, un emploi du temps établi pour travailler, mais aussi pour pratiquer du sport et avoir une vie personnelle. »
Daphné projette de revenir en France en troisième année grâce à un système de passerelle. Pour elle, un stage en France était logique et elle a choisi l’Ardèche car elle connaissait un peu la région. « Je voulais faire de la médecine de montagne ou de campagne et je ne voulais pas revenir à Paris, confie-t-elle. Cette expérience a confirmé mon souhait d’exercer la médecine générale en campagne. » Célia partage ce ressenti, – elle a « beaucoup aimé son stage en Ardèche »-, mais reste encore indécise sur son avenir. Pour cette dernière, le choix de l’Ardèche vient d’une envie de « découvrir les territoires isolés et la médecine qui s’y pratique ». Pour le Dr Fontanel, l’essentiel de la démarche entreprise est clair, il importe de « donner des compétences, d’intégrer ces étudiants à la vie locale pour qu’ils puissent se projeter ».
Une politique payante
Le Dr Fontanel est satisfait de ces stagiaires où la barrière de la langue n’existe pas, « cette barrière est parfois pénalisante », selon le maître de stage. Quant aux différences de programme, selon les retours effectués auprès de Sandrine Genest, « sur certains sujets, ces étudiants sont en avance par rapport aux Français, sur d’autres moins. Mais l’envie et la soif d’apprendre sont réelles, ils s’adaptent très bien », observe-t-elle.
Outre cette nouveauté autour des stages, la politique du département semble porter ses fruits : « Nous avons déjà 60 installations en trois ans. Nous avons stoppé l’hémorragie, se félicite le Dr Fontanel. Entre départs et installations, l’équilibre est retrouvé. Aujourd’hui, 30 % des médecins du département ont moins de 40 ans. »
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