Dr Jean-Marcel Mourgues (Cnom) : « Les zones surdotées en médecins sont devenues rarissimes »

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Publié le 01/04/2025
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Vice-président de l’Ordre des médecins (Cnom) en charge de la démographie médicale, le Dr Jean-Marcel Mourgues écarte toute régulation à l’installation, une solution jugée non pertinente aujourd’hui pour répartir une profession déficitaire. À l’heure où les députés examinent la proposition de loi Garot, porteuse de mesures coercitives, il souligne que les zones surdotées n’existent (quasiment) pas…

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : La proposition de loi transpartisane visant à réguler l’installation des médecins arrive à l’Assemblée nationale. Quelle est votre position ?

Réguler l’installation d’une profession déficitaire comme les médecins généralistes ne marchera pas, ce n’est absolument pas pertinent ! Une régulation qui s’appliquerait sur une pléthore médicale – ça sera peut-être le cas dans 15 ans – est sans doute beaucoup plus avisée. Comme l'a dit notre président François Arnault, l'Ordre des médecins est prêt à prendre toute sa part dans une future solution partagée, dès lors qu’on constatera une augmentation du nombre de généralistes et qu’ils feront le choix d'aller uniquement dans certaines villes, délaissant les territoires ruraux. Mais aujourd’hui, cette mesure de régulation ne serait ni porteuse ni efficace.

J’ajoute que cette régulation ne s'adresserait qu'à un seul mode d'exercice, le libéral. On peut se demander s’il y a une équité dans les réponses, vis-à-vis de la médecine salariée, car les déserts médicaux concernent tout autant l’hôpital que la médecine de ville. Et sur le fond, je lance le défi à quiconque de caractériser des zones qui seront interdites à l’installation de nouveaux médecins au prétexte qu’elles sont excédentaires ! Les zones « surdotées » sont devenues rarissimes.

Votre dernier atlas de la démographie médicale traduit une hausse globale du nombre de médecins. Permettra-t-elle de résorber les difficultés d’accès aux soins ?

Disons que c’est un début. Mais pour 2025, l'impact de cette progression ne sera pas significatif en termes de perception de l'amélioration de l'accès aux soins. Pourquoi ? Même si la population française ne va plus augmenter, elle va continuer à vieillir de façon substantielle avec des besoins de santé considérables… Cette situation va neutraliser, annihiler, la légère augmentation du nombre de médecins.

Est-ce que les inégalités territoriales vont encore s’aggraver ? Sans doute. Aujourd’hui, 87 % du territoire national est un désert médical ! Sur les 13 % restants, ce sont essentiellement des zones de densité médicale normale. Je le répète, il n’y a donc plus de zones surdotées.

La situation devrait toutefois évoluer à moyen terme car il y aura une augmentation importante du nombre de médecins à l’horizon 2040. Notre débat ne sera plus du tout le même dans dix ans.

Du coup, est-on en train, finalement, de former un peu trop de médecins pour dans dix ans ?

Je n’affirme pas qu'on forme trop de médecins. Avant de répondre à cette question, ayons une méthode de travail rigoureuse et robuste pour déterminer le nombre de médecins nécessaires, spécialité par spécialité, pour demain ! Le nombre de praticiens ne peut pas se limiter aux souhaits des hôpitaux publics pour faire tourner leurs services. Il faut examiner la territorialité dans son ensemble.

Il y a un an, Gabriel Attal, Premier ministre, déclarait qu’il voulait former 16 000 étudiants en médecine par an, un chiffre inédit et considérable, qui pose la question de la qualité de la formation initiale. Pour déterminer le nombre de médecins à former à l’horizon des 20 prochaines années, il faut une expertise transversale et pluri-partenariale avec une méthode de travail admise par tous et sur l’ensemble des déterminants à étudier.

De quels déterminants parlez-vous ?

Il y en a un peu près six ou sept à étudier. Par exemple, dans un parcours de soins coordonnés, quelle est la part laissée au seul médecin et celle des interventions des autres professionnels de santé. À l'heure des délégations de tâches et transferts de compétences, cette question est centrale. Autres facteurs importants à prendre en considération : le temps du travail global du médecin de demain, la part du numérique dans l’exercice médical, mais aussi la question complexe de l'intelligence artificielle. L’IA aura-t-elle un impact important sur le temps médical ?

À partir de tous ces éléments, on peut utiliser des algorithmes et moduler des projections démographiques pour demain. C’est un exercice complexe mais qui n’est pas fait aujourd’hui.


Source : lequotidiendumedecin.fr