« Vendredi noir ». L'ensemble des syndicats de médecins libéraux ont appelé à une grève « reconductible » pour adresser un signal fort aux pouvoirs publics avec un double objectif : la reprise urgente des négociations conventionnelles et la réécriture de la proposition de loi Valletoux (PPL) sur l’accès aux soins. Le Dr Marc Rozenblat, généraliste, président du Syndicat national des médecins du sport (SNMS) et secrétaire général adjoint de la branche MG du SML fait partie des praticiens en grève. Entretien.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi faites-vous grève aujourd’hui ?
Dr MARC ROZENBLAT : Étant en fin de carrière, je pourrais prendre ma retraite tranquillement d’ici deux ou trois ans. Mais le processus qui se met en place pour nos jeunes médecins ne me convient pas : je vois de grandes difficultés à venir pour l’avenir de la profession. Je suis donc solidaire !
Le tarif des consultations de base est tellement bas que les jeunes praticiens sont obligés de faire de « l’abattage » pour pouvoir vivre. Nous sommes en France, l’avant-dernier pays européen – devant l’Albanie ! – en termes de rémunération. C'est pourquoi nous demandons 50 euros comme tarif de base de consultation.
Cela nous permettrait d’avoir un meilleur pouvoir d’achat et de recruter des assistants médicaux, car en tant que médecins, nous ne sommes pas formés à faire que du travail administratif ! Je me bagarre aussi pour les jeunes car leur formation a changé. De mon temps, quand nous faisions des gardes de nuit, le lendemain, nous enchaînions en cabinet, avec les yeux qui piquent. Aujourd’hui – et heureusement – ce n’est plus le cas : on leur apprend à se reposer. Donc, c’est tout à fait logique qu’ils disent « non » au fait de travailler plus pour gagner moins ! Idem aux injonctions pour aller dans les déserts médicaux, sans cinéma, théâtre ou service public… Il faut revoir l’organisation de la médecine libérale pour que les praticiens puissent travailler dans de bonnes conditions.
Qu’attendez-vous de ce nouveau mouvement de contestation, huit mois après la grève des médecins libéraux du 14 février ?
Cette grève n’a rien changé : nous n’avons pas signé de convention avec l’Assurance-maladie. Nous sommes toujours hors convention, en attente des directives du nouveau ministre, qui de son côté… attend de voir comment se passera notre mobilisation. Les discussions avec la Cnam n’ont pas repris et nous sommes dans l’expectative : nous ne savons pas où l’on va.
Tout ce que l’on sait, c’est que nous aurons à nouveau des contraintes importantes. Avec ces nombreuses fermetures de cabinet sur tout le territoire, nous voulons démontrer à la population le profond malaise dans le monde médical et hospitalier. Et faire comprendre qu’il faut des médecins respectés et considérés par le gouvernement. Ce qui passe par une revalorisation des actes médicaux – consultations et actes techniques. Certains n’ont pas bougé depuis 20 ans ! Ce 13 octobre n'est qu'un début. Nous sommes prêts à tenir jusqu’à Noël pour montrer aux Français que le pays a besoin de ses médecins libéraux. Faire grève est malheureusement la seule manière de se faire entendre.
Vous êtes président du Syndicat national des médecins du sport. Dans ce cadre, quelles revendications portez-vous ?
La médecine du sport participe à la politique de prévention avec les prescriptions d’activité physique adaptée. C’est en développement, mais nulle part pris en charge, même pour des petits montants. Pourtant, le sport permet de réduire la consommation de médicaments et les comorbidités. Ségur s’appelle désormais le ministère de la Santé et de la Prévention… J’observe que l’aspect préventif est encore très loin.
Nous avons aussi besoin d’une reconnaissance de la profession, en tant que spécialité. Et également d'une reconnaissance de certains actes techniques, comme la prise en charge de la pression intramusculaire pour le syndrome des loges. Nous pratiquons aussi certains dépassements qui ne sont pas reconnus par la Sécurité sociale et donc peu remboursés pour les patients.
Autre exemple, nous avons alerté sur la suppression du certificat de non contre-indication à la pratique sportive pour les enfants. Mais environ un millier meurent chaque année lors de cross à l’école, par exemple. Il serait d’utilité publique de faire un examen obligatoire avant l'entrée au collège, inscrit dans le carnet de santé. En Italie, ils l’ont fait. Bilan : ils sont passés de 1 500 à 50 morts par an. En France, l’Assurance-maladie est embêtée et refuse d’en parler.
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