Veillée d’armes pour le collectif « Médecins pour demain » qui appelle à la fermeture des cabinets libéraux ce vendredi 9 juin. « Il s’agit avant tout de marquer le coup face à la proposition de loi Valletoux et à la menace que fait peser ce texte sur la médecine libérale », explique ce jeudi le vice-président du collectif, le Dr Pierre-Louis Hélias.
Ce texte – examiné en séance lundi prochain – concentre plusieurs mesures jugées inacceptables (comme l'adhésion automatique aux CPTS sauf opposition, l'interdiction de l'intérim en début de carrière, etc.) qui crispent l'association née à l'automne dernier sur les réseaux sociaux. Mais surtout, la PPL Valletoux pourrait servir de bras armé à une offensive coercitive d'autres députés, à la faveur d'amendements punitifs (sur la PDS, la liberté d'installation), même si pour l'instant la commission des affaires sociales a écarté le retour des gardes obligatoires.
Fracture
Le collectif « Médecins pour demain » a trouvé des soutiens. « Nos confrères de l’UFML et de la FMF participent aussi à notre mouvement qui devrait être au moins autant suivi que les précédents de décembre et de février, ajoute le jeune généraliste de Besançon. Pour ma ville par exemple, on est sur une prévision de 50 % de fermeture ». Le praticien développe les raisons du conflit. « Nous sommes très au-delà des seules questions tarifaires. Avec ce texte qui envisage de réguler l’installation des médecins, c’est ni plus ni moins l’avenir de la médecine libérale qui se joue aujourd'hui ».
Une crainte que le Dr Hélias et ses confrères ont exposé à leurs patients, en leur proposant de signer et d’envoyer une lettre type interpellant les députés, notamment les élus Horizons, le parti d’Édouard Philippe et de Frédéric Valletoux. « Une fracture est vraiment en train de se dessiner, avertit encore le médecin. Les confrères souffrent d’une absence de revalorisation mais aussi du mépris affiché par les élus face à nos propositions de terrain. Une partie est déjà en burn-out, une autre risque de quitter le système conventionnel, et une dernière va certainement partir en retraite anticipée ».
Remontés comme des pendules
De son côté, la FMF décrit une « ambiance électrique » sur le terrain. Sa présidente, la Dr Corinne Le Sauder, assure que « les confrères sont remontés comme des pendules car ils ressentent de l'injustice, du harcèlement de la part du gouvernement et des parlementaires qui ne connaissant rien à notre métier ».
L'UFML, qui a annoncé participer au mouvement, ajoute que « cette action pourrait se doubler d'une mobilisation totale et globale d'activité sur une plus longue période ». Le syndicat de Jérôme Marty a concocté une affiche explicite, rappelant aussi son appel au déconventionnement collectif.
Guérilla tarifaire
Contactés également, Les Généralistes-CSMF et le SML disent comprendre ce mouvement de colère mais n'appellent pas formellement leurs adhérents à le rejoindre. Car fermer une journée par-ci par-là, « c'est aussi aggraver les conditions d'exercice », défend le Dr Luc Duquesnel, patron des Généralistes-CSMF. Il rappelle que « les médecins veulent exprimer leur mécontentement sous d'autres formes comme la guérilla tarifaire ».
La Dr Sophie Bauer, présidente du SML, considère pour sa part que « ce n’est pas la stratégie idéale ». « Notre idée, c’est de partir sur un mouvement plus long, plus visible et surtout plus massif parce qu’il sera mieux préparé en amont ». Une réunion en ce sens avec d’autres centrales syndicales est organisée ce samedi. « On devrait faire quelques annonces », imagine la chirurgienne de Melun.
Pour la présidente de MG France, qui a organisé une conférence de presse ce jeudi aux côtés des syndicats de jeunes médecins Reagjir et Anemf (encadré ci-dessous), le week-end s'annonce important. Le syndicat de la Dr Agnès Giannotti – qui n'appelle pas à la fermeture des cabinets ce vendredi – se réunit en assemblée générale pour étudier de la stratégie si la PPL Valletoux durcit les conditions d'exercice.
Pour MG France, la coupe est pleine aussi
« À un moment donné, la coupe est pleine », a tonné ce jeudi la Dr Agnès Giannotti face à la presse. Et la présidente de MG France d'égrener, point par point, les sujets qui fâchent. « Après la loi Rist, l'échec des négociations conventionnelles, la déception du règlement arbitral et maintenant la coercition dans la proposition de loi transpartisane, chaque jour notre profession fait l'objet d'une attaque supplémentaire ».
MG France précise n'être pas monté au créneau plus tôt car le texte initial relevait davantage de l'ordre de la coquille vide qu'autre chose. Mais, depuis son examen devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée, et la pluie d'amendements qui l'ont accompagné, il est temps de sortir du bois. « Nous sommes aujourd'hui à un tournant. En stigmatisant les généralistes, la représentation nationale ouvre la voie à des offres de soins anarchiques et pléthoriques dans lesquels risquent de s'engouffrer des groupes financiers », alerte la Dr Giannoti. La présidente de MG-France fait-elle référence à la récente annonce du groupe de cliniques Ramsay proposant un forfait téléconsultation à 11, 90 euros mensuels ? Le nom n'a pas été prononcé.
Toutefois, MG France veut continuer à croire à la convention médicale. À condition d'avoir des gestes forts du ministre François Braun dans sa lettre de cadrage politique pour les prochaines négociations. Mettre fin à l'« iniquité de traitement » dont pâtissent les généralistes serait un premier geste. De fait, en vertu du règlement arbitral, la consultation de base du généraliste sera portée à 26,50€ avant la fin de l'année, alors que la consultation dite de base des autres spécialités sera à 31,50€... Dans nos colonnes, le ministre de la Santé a maintenu toute sa confiance au DG de la Cnam, Thomas Fatôme, pour conduire les négociations.
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