Si, au Parlement, les élus sont de plus en plus tentés par la coercition pour lutter contre les déserts médicaux, les collectivités locales savent souvent mieux tendre leur oreille vers les médecins. C'est pourquoi Reagjir, le syndicat des remplaçants et jeunes installés en médecine générale, ouvre traditionnellement son congrès annuel par une session qui leur est consacrée.
Organisée jeudi et vendredi à Colmar (Haut-Rhin), la 11e édition des « Rencontres nationales » a réuni une centaine des jeunes praticiens de toute la France, en présence de représentants de l'Anemf (étudiants en médecine), de l'Isnar-IMG (internes de médecine générale) et de MG France notamment. L'événement intervient cette année au lendemain du rejet en première lecture des amendements à la proposition de loi Valletoux visant à réguler l'installation. Un scrutin clair accueilli avec soulagement par les jeunes congressistes.
Pas de ministre mais le DG de la Cnam
Si aucun ministre n'a fait le déplacement pour s'adresser à cette tranche d'âge pourtant clé de la profession – les moins de 40 ans représentent désormais près de 30 % des médecins généralistes –, Thomas Fatôme, DG de la Cnam, a participé à une table ronde en visio. La Dr Élise Fraih, présidente de la structure, a profité de l'occasion pour lui demander à nouveau que les médecins remplaçants puissent être conventionnés, comme leurs aînés.
« Les remplaçants ne sont pas les profiteurs désinvoltes et individualistes décrits par certains politiques mais des professionnels de santé à part entière, construisant leur identité professionnelle, désireux de s'engager dans des projets territoriaux qui ont du sens, a-t-elle souligné dans son discours d'ouverture. Ils méritent d'être conventionnés et d'avoir les mêmes droits de formation que les autres. » Mais le DG de la Cnam est resté fidèle à sa position sur le sujet. « Nous restons attachés à un conventionnement en lien avec l’installation. »
Certificats inutiles
La généraliste installée depuis presque cinq ans dans la petite commune de Dachstein (Bas-Rhin) a aussi rappelé que les jeunes médecins « ne sont pas responsables de la situation démographique médicale actuelle ». De même, « les jeunes installés ne sont pas les corporatistes brossés à grands traits par certains médias mais des médecins investis aux côtés des patients tous les jours dans un système qui s'effondre, soucieux de collaborer avec les autres professionnels de santé et de voir cesser cette opposition systématique entre l'hôpital et les soins de premiers recours ».
À l'adresse des collectivités locales – dont une dizaine ont fait le déplacement –, la Dr Élise Fraih a réitéré les propositions de son syndicat pour libérer du temps médical, à commencer par les certificats inutiles. Écoles, cantines ou crèches : les communes sont invitées à montrer le bon exemple.
Dédramatiser et encourager l'installation
Quant au grand sujet de la semaine, « plutôt que de contraindre à l'installation, il faut se pencher sur les solutions permettant de la dédramatiser et de l'encourager », a encore plaidé la présidente de Reagjir.
Plusieurs initiatives ont été mises en valeur jeudi matin comme « Présence 64 », le guichet unique d'aide à l'installation du département des Pyrénées-Atlantiques, un modèle déjà remarqué par le Conseil national de la refondation (CNR) en santé. Autre exemple de bonnes pratiques, selon la jeune génération : le dispositif GEminstal qui accompagne internes et jeunes médecins du Grand Est dans la construction de leur projet professionnel.
Soulagement
« Nous sommes vraiment soulagés que les amendements [de régulation] à la PPL Valletoux aient été finalement repoussés, a confié la Dr Fraih au « Quotidien ». De toute façon, les mesures coercitives sont contre-productives en période de pénurie médicale. Mais cela veut aussi dire que nous avons du pain sur la planche et il faut que les mesures que nous proposons soient enfin entendues. »
Les arguments des jeunes qui défendent l'amélioration des conditions d'exercice et de vie sont en tout cas déjà étayés par la recherche en sciences économiques. Le chercheur de l'Irdes, Julien Mousquès, a ainsi présenté en ouverture du congrès une synthèse de ses travaux démontrant en particulier le caractère « inopérant » des incitations purement financières à l'installation, à l'inverse des politiques d'amélioration des conditions de travail. « Les professionnels qui exercent en maison de santé pluridisciplinaire ont des patientèles de 15 à 20 % supplémentaires à temps de travail équivalent », a-t-il illustré. Mais le temps presse, a mis en garde l’économiste. Les travaux de mise à jour des typologies de la démographie médicale qu'il devrait publier à l'automne prochain montrent une dégradation de la situation majeure dans l'ensemble des territoires ruraux.
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