Du mieux en matière de permanence des soins ambulatoires (PDS-A) dans cette 21e enquête annuelle que l’Ordre national des médecins (Cnom) publie ce jeudi 25 avril. Et surtout des données fiables et actualisées qui tombent à point nommé pour la profession, alors que, tour à tour, Gabriel Attal et son ministre délégué en charge de la Santé, Frédéric Valletoux, ont brandi la menace du retour de l’obligation des gardes pour les médecins libéraux dans les territoires où la PDS ne serait pas garantie pour les Français.
La quasi-totalité des territoires couverts
Premier marqueur fort de cet audit ordinal, 97 % des territoires de garde sont désormais couverts durant les week-ends et les jours fériés (soit 2 points d’augmentation par rapport à 2022). La couverture en soirée progresse aussi de 1 % et atteint 96 % des territoires. Les « zones blanches » – non couvertes – sont donc très rares – 3 à 4 % – de quoi mettre en perspective les critiques sur la désorganisation des gardes en ville.
En revanche, en dépit d’une progression de trois points sur un an, seuls 27 % des territoires sont couverts pour la nuit profonde, ce qui s’explique au regard du faible nombre d’actes réalisés. « Mais en nuit profonde, ce n’est pas vraiment de la PDS-A. On y trouve essentiellement des urgences qui sont couvertes par l’Aide médicale urgente », souligne le Dr Jean-Luc Fontenoy, président de la Commission nationale de la PDS et de l’AMU.
Ce n’est pas le nombre de médecins qui y participent qui fait la qualité de la PDS-A, mais la surface du territoire couverte effective
Dr Jean-Luc Fontenoy (Cnom), directeur de l’enquête
Taux de participation accru des généralistes, pas d’érosion du volontariat
S’appuyant sur les réponses de ses 101 conseils départementaux, l’Ordre a recensé exactement 39,34 % des médecins généralistes (effecteurs + régulateurs) ayant participé à la PDS-A en 2023 contre 38,48 % en 2022. Ce qui représente une hausse de 0,86 point du volontariat, malgré les tensions en médecine de ville. L’Ordre a ainsi comptabilisé l’an passé « 26 065 médecins volontaires pour un total de 66 257 médecins susceptibles de prendre une garde ».
Ce taux de participation aux gardes (environ quatre généralistes sur 10) est généralement jugé insuffisant par Frédéric Valletoux. « Ce n’est pas le nombre de médecins qui y participent qui fait la qualité de la PDS-A mais la surface du territoire couverte effective », recadre le Dr Jean-Luc Fontenoy. Il cite l’exemple de la capitale qui ne connaît pas de difficultés majeures alors que « seulement 8 % des généralistes participent à la PDS » – l’essentiel de la couverture étant assurée par SOS Médecins.
Stabilisation du nombre de volontaires par secteur, 28 gardes par an en moyenne
L’enquête montre aussi une certaine constance dans la qualité de couverture des territoires de PDS par rapport à 2022, avec une amélioration par rapport aux années précédentes : ainsi seuls 32 % des secteurs étaient couverts par moins de 10 médecins volontaires. Et parmi eux, 18 % des secteurs étaient desservis par cinq praticiens volontaires ou moins, chiffre identique à celui de 2022.
En 2023, les médecins effecteurs ont réalisé en moyenne « 28 gardes », soit une de moins qu’en 2022. Ce nombre diffère considérablement d’un département à l’autre, ou même d’un secteur à l’autre. Ainsi, cette moyenne varie d’un minimum de six gardes par médecin dans l’Orne à un maximum 161 gardes en Seine-et-Marne ! Cependant, cette moyenne englobe les médecins travaillant au sein d'associations telles que
SOS Médecins, pour qui les prises en charge en horaires de PDS-A s’inscrit dans leur activité quotidienne, contrairement aux libéraux installés qui participent au dispositif de PDS-A en plus de leur activité en cabinet, rappelle l’Ordre.
La jeune génération s’investit !
Bonne nouvelle, contrairement aux idées reçues, la jeune génération ne boude pas la PDS-A, au contraire. Les chiffres montrent la poursuite de la baisse de l’âge moyen des effecteurs de garde. Il passe de 45,8 ans à 45,2 ans. 64 % des médecins participant à la PDS-A ont entre 35 et 59 ans et 21 % ont plus de 59 ans.
Sur l’ensemble du territoire, la PDS reste assurée à 88 % par des médecins libéraux installés (comme en 2022), mais à 6 % tout de même par des remplaçants exclusifs et à 2 % seulement par des médecins salariés de centres de santé. Et dans le détail, 25 % des médecins de garde ont été remplacés « au moins une fois » l’an passé, relève l’Ordre qui observe que plus d’un remplaçant sur deux (54 %) est un étudiant. « C’est bon signe que les jeunes s’intéressent à la prise de tours de garde », salue le Dr Fontenoy.
Régulation médicale : hausse de la participation et des rémunérations
Sur le plan de la régulation libérale, le rapport constate là encore une croissance de 11,9 % du total des médecins participants sur un an. La part des généralistes libéraux exclusifs ayant une activité régulière y a augmenté de 8,9 %, et celle des médecins retraités, salariés ou remplaçants a bondi de 22,3 % pour cette activité de régulation.
Et côté rémunération de cette régulation, l’Ordre relève que « toutes les régions » appliquent désormais des tarifs horaires de PDS-A supérieurs au montant minimum de 70 € par heure établi au niveau national. En 2023, les rémunérations horaires varient de 90 € à 150 € selon les régions et plages. Une évolution qui traduit la « volonté des agences régionales de santé (ARS) d'harmoniser la rémunération de la régulation en horaires de PDS-A avec les rémunérations pratiquées dans le cadre du service d'accès aux soins (SAS) », selon le rapport.
Enfin, en 2023, le numéro de régulation « 116-117 » ne fait toujours guère recette : cet accès spécifique défendu par les syndicats de praticiens libéraux était utilisé par seulement 15 départements (contre 13 un an plus tôt). Seuls 39 % des conseils départementaux se déclarent favorables à ce numéro dédié PDS-A pour désengorger le 15.
Effection fixe : les sites dédiés presque partout
La généralisation des sites dédiés (maisons médicales de garde, etc.) se confirme. Ainsi, 90 départements disposent d’un ou plusieurs sites dédiés à la PDS-A (c’est six structures supplémentaires sur un an). Pour autant, des gardes sont encore réalisées au cabinet du médecin traitant dans 83 % des départements. L’Ordre précise que 12 départements ont bénéficié de transports spécifiques pour les patients non-mobilisables vers ces sites dédiés.
Fonctionnement général : du mieux selon les Ordres départementaux mais…
L’état des lieux global de la PDS-A s’améliore donc, de l’avis des premiers intéressés. Ainsi, 24 conseils départementaux de l’Ordre (CDOM) estiment que la PDS-A « fonctionne de manière optimale » dans leur département (soit 9 de plus qu’en 2022 !). 71 CDOM jugent qu’elle « fonctionne bien » mais avec des zones en difficulté. Et seuls huit conseils ordinaux (contre neuf lors de la précédente enquête) considèrent qu’elle ne fonctionne pas du tout.
Les principales difficultés de fonctionnement identifiées sont le déclin démographique (pour 90 % des CDOM) mais aussi le désengagement des libéraux (65 %), dû à une activité trop faible sur certains secteurs et ensuite à l’insécurité dans certaines zones. « En dépit de l’hétérogénéité des situations sur le territoire, Il faut reconnaître qu’il y a, en 2023, une augmentation de la participation des médecins à la permanence des soins », positive le Dr Fontenoy.
Réquisitions en hausse… surtout à cause des grèves
Cette embellie n’a pas empêché l’année 2023 d’enregistrer une hausse notable du nombre de réquisitions. Ces dernières ont été observées dans 75 départements (contre seulement 44 en 2022). Mais l’Ordre avance trois raisons conjoncturelles pour expliquer ce phénomène à contre-courant de l’amélioration de la couverture territoriale. Les carences durant les fêtes de fin d’année ou les week-ends incluant des jours fériés et surtout les mouvements de grève des généralistes l’an passé, qui ont conduit à des réquisitions. Dans ce dernier cas, « ce n’est pas un refus à proprement parler de prendre son tour de garde, mais, pour marquer le coup, un médecin en grève attendra souvent d’être réquisitionné pour assurer la permanence des soins », tempère le Dr Fontenoy. Au moins un millier de médecins ont été réquisitionnés au cours de l'année, évalue l’Ordre.
Quelles pistes d’amélioration ?
Parmi les pistes envisagées pour accroître encore l’implication des médecins, le renforcement des mesures financières incitatives est proposé comme premier levier (cité par 61 CDOM), devant le renforcement de la participation des étudiants et des médecins salariés (45 mentions), le renforcement de la sécurité (31) et la suppression des gardes sur certains créneaux.
Et pour améliorer le fonctionnement de la PDS, les conseils ordinaux plébiscitent les transports dédiés, les actions de communication auprès du grand public et de la profession elle-même, et aussi l’essor des points fixes. « Il nous faut enfin renforcer nos actions à destination des Ehpad, un vrai sujet, souligne Jean-Luc Fontenoy. De même que se pose la pertinence du maintien d’une PDS-A le samedi matin depuis la généralisation des services d’accès aux soins ».
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