LE QUOTIDIEN : Une décennie après sa création effective, dans quel état se trouve la filière universitaire de médecine générale ?
PR VINCENT RENARD : Il y a eu des progrès très importants mais nous sommes toujours en difficulté ! Nous avons dix ans de recul. La loi qui a fondé le cadre de la filière universitaire de médecine générale date de 2008, les premières nominations d'enseignants titulaires de 2009. Aujourd'hui, nous sommes dans une meilleure configuration, notamment grâce à la réforme récente du DES [diplôme d'études spécialisées] qui permet aux internes d'avoir une nouvelle maquette plus axée sur la médecine générale.
Hélas, il manque toujours deux briques essentielles pour avoir une cohérence dans l'édifice : la place affirmée de la médecine générale dans le deuxième cycle – que ce soit le contenu ou l'enseignement – et l'allongement de l'internat à 4 ans. À défaut de ces deux éléments, on ne peut pas prétendre que la filière universitaire de médecine générale est en régime de croisière !
Cette situation mitigée de la filière universitaire explique-t-elle en partie les difficultés démographiques ?
Oui et dans ce contexte, il est très étonnant de voir les élus crier au loup et réclamer des mesures contre productives de coercition au prétexte qu'il n'y a pas de généralistes dans les territoires... alors qu'ils ne se sont jamais affolés d'avoir seulement un généraliste enseignant équivalent temps plein pour 86 étudiants, une médecine générale complètement absente du deuxième cycle et des générations de carabins auxquels on expliquait qu'il ne fallait pas faire médecine générale…
La barre des 10 000 maîtres de stage des universités (MSU) est franchie. L'objectif annoncé lors de votre congrès de 12 000 MSU n'est plus si loin. Peut-on encore mieux faire ?
L'effectif de 12 000 maîtres de stage sera atteint d'ici deux ou trois ans. Le meilleur levier reste le recrutement des MSU par la formation dans le cadre du DPC. C'est pourquoi on tient beaucoup à ce que le financement de ces formations hors quota soit maintenu. Un autre levier pour intensifier le recrutement serait de permettre à un médecin de devenir MSU pour les externes dès qu'il s'installe et non plus d'attendre une année. Nous en discutons avec les tutelles. Enfin, si on considère que c'est un vrai enjeu de santé publique et d'organisation de territoire, il faut valoriser la maîtrise de stage dans la rémunération sur objectifs de santé publique [ROSP].
À vos yeux, ce succès du recrutement des maîtres de stage autorise la mise en place de la 4e année du DES de médecine générale. Mas toutes les facultés sont-elles réellement prêtes ?
Il n'y a plus d'obstacles, on ne doit plus attendre ! Nous n'avions d'ailleurs pas attendu que la filière universitaire de médecine générale soit prête en 2004 pour la lancer, sinon on y serait toujours...
Il faut se projeter car il y a une urgence territoriale et démographique. Le principal levier d'installation dans les territoires, je le répète, c'est la formation initiale. Les chiffres des effectifs des MSU et des offres de stages sont clairs. Cette quatrième année serait possible pour les internes entrant en médecine générale à la rentrée 2019. Ce qui veut dire qu'en 2022/2023, il serait possible de la mettre en place de manière effective. On travaillera sur son contenu pendant trois ans et demi.
Comment s'assurer que cette quatrième année ne sera pas un remplacement déguisé ?
Je ne comprends pas ce reproche, il est particulièrement malvenu, et même malveillant. Le CNGE avec le concours du SNEMG [Syndicat national des enseignants de médecine générale] et de l'ISNAR-IMG [Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale] rédige actuellement une charte pour la maîtrise de stage du troisième cycle afin de mettre des garde-fous. Le texte est soumis à la conférence des doyens pour qu'il figure dans la réglementation. Je connais peu de disciplines où l'on soit aussi attentif et rigoureux sur l'encadrement et la formation des internes afin de donner du sens pédagogique.
Faut-il refondre la maquette du DES de médecine générale ?
Une refonte, non. Une modulation pourquoi pas. Je rappelle que la maquette actuelle du DES a été négociée avec toutes les parties, y compris les représentants des jeunes. Ça fera partie aussi de la discussion sur la 4e année d'internat. Sur l'intégration de la santé mentale, c'est une vaste tâche mais la santé mentale ne s'apprend pas dans les services de psychiatrie mais dans les cabinets de médecine générale! Pour le reste rien n'est fermé.
L'homéopathie a-t-elle, oui ou non, sa place dans les enseignements universitaires ?
Elle n’a pas sa place dans le champ universitaire, il n'y a aucune justification à l'enseignement de ce type de pratique qui ne repose sur aucune donnée valide, ni théorique ni clinique. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas utiliser la "placebothérapie" de manière réfléchie mais on ne peut pas raisonnablement, déontologiquement, éthiquement prétendre que l'homéopathie a une quelconque efficacité spécifique.
En France, les patients, les médecins et les étudiants ont subi par le passé le laxisme de l'ensemble des acteurs sur ce sujet – autorités, Ordre, université ... – . Aujourd’hui, chacun a le droit d'être éclairé honnêtement et quand on sait ce qu’est réellement l’homéopathie, le débat est rapidement clos.
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