« Tromperie », « mélange des genres » : l’élargissement du répertoire RPPS à de nouvelles professions fait des vagues

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Publié le 25/06/2024

Prévu dans la feuille de route du numérique en santé 2023-2027, le basculement progressif de certaines professions – ocularistes, psychologues mais aussi chiropracteurs et ostéopathes… – dans le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) fait des vagues.

Crédit photo : Phanie

C’est une réforme programmée qui fait grincer les dents de l’intersyndicale des Libéraux de santé (LDS), organisation regroupant 10 syndicats représentatifs (des médecins, infirmières, kinés, biologistes, orthoptistes, etc.). Son président, le pharmacien Philippe Besset, alerte aujourd’hui sur « un risque de tromperie vis-à-vis du public » en raison de l'intégration progressive dans le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS, désormais répertoire unique de référence) de nouvelles professions « comme les ostéopathes ou les chiropracteurs » qui sont « des non-professionnels de santé au sens du Code de santé publique, qui exercent sans décrets d’actes, sans remboursements de l’Assurance-maladie ». L’inquiétude concerne plus largement l’intégration dans le RPPS de nouvelles professions telles que les « épithésistes, ocularistes, opticiens-lunetiers, orthopédistes-orthésistes, orthoprothésistes, podo-orthothésistes et psychologues », énumère l’intersyndicale, qui pointe une « ligne rouge ».

Clarification nécessaire

« Nous avons besoin de clarification », martèle celui qui est aussi le patron de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Notre demande n’est pas discriminatoire. Mais nous ne voulons pas que des personnes de ces professions se disent qu’ils sont des professionnels de santé car ils sont inscrits RPPS, alors qu’ils ne le sont pas ! », justifie-t-il.

Aujourd’hui, le Code de la santé publique énumère une liste limitative de professionnels de santé, les regroupant en trois blocs : les professions médicales (médecins, odontologistes, chirurgiens-dentistes et sages-femmes), les professions de la pharmacie et de la physique médicale (pharmaciens d’officine et hospitaliers et physiciens médicaux) et les auxiliaires médicaux (aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers, assistants dentaires, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs d’électroradiologie médicale, techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes, orthésistes, diététiciens). Mais une kyrielle d’autres professions gravitent dans le secteur du social et du bien-être.

S’ils comprennent l’ambition de construire un référentiel national unique pour identifier les professions de santé, les LDS estiment qu’il est indispensable de proposer aux usagers « un annuaire de santé lisible, qui distingue clairement les professions de santé reconnues des professions du secteur social ou du bien-être ». L’accès aux données de santé des patients, doit par ailleurs être absolument différencié par profession, explique l’intersyndicale.

Deux ostéopathes sur trois ne sont pas des professionnels de santé

Craignant lui aussi un « mélange des genres », le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, réclame de « la transparence » et de « la clarté » pour les usagers qui consultent le RPPS. « Les patients doivent savoir par exemple s’ils s’adressent à un médecin ostéopathe, à un kiné ostéopathe ou à un ostéopathe “non professionnel de santé” avec une démarche de bien-être », ajoute le gastroentérologue de Reims.

Cet argument de la lisibilité est aussi défendu par l’association des masseurs-kinésithérapeutes ostéopathes (AMKO). Son président, Philippe Gaston, contacté par Le Quotidien, s’appuie sur les conclusions du rapport de l’Igas 2023 sur l’ostéopathie pour préciser que « deux ostéopathes sur trois ne sont pas des professionnels de santé, au sens du Code de la santé publique ». Par ailleurs, « leur dispositif pédagogique est inadapté en termes de durée de formation et de critères de qualité attendus. Cette intégration ne peut que renforcer la confusion et accroître les risques pour les usagers », ajoute le kiné ostéopathe d’Auxerre.

Pas de naturopathes dans le RPPS !

Sollicitée par Le Quotidien, l’Agence du numérique en santé (ANS) fait valoir que l’intégration dans le RPPS de nouvelles professions inscrites sur l’ancien répertoire Adeli a été programmée de longue date dans la feuille du numérique en santé 2023-2027. « J’entends l’inquiétude, explique Alexis Breithoff, responsable de programme annuaires et référentiels d’acteurs au sein de l’agence. Cette intégration permet de supprimer l’ancien répertoire Adeli qui datait de 1990 et de faciliter le travail de vérification de l’identification des professionnels à enregistrement obligatoire par les ARS ». Et d’ajouter que « ce n’est pas parce qu’il y a des professions qui ont l'air un peu plus “exotiques” que la qualité de l’enregistrement n’est pas là. Vous ne trouverez jamais de naturopathes dans le RPPS ». Selon l’Agence du numérique en santé, le répertoire s’élargira aussi à d’autres professionnels du social (assistants sociaux, éducateurs familiaux, préparateurs en pharmacie). « Ceux-là aussi pourront avoir un numéro RPPS, à condition que l’employeur l’enregistre », précise Alexis Breithoff.

Ces réactions ne sont pas sans rappeler la polémique d’août 2022 concernant la présence de « praticiens » jugés douteux sur Doctolib, ayant conduit la société à « dé-référencer » des professionnels du bien-être de la plateforme.

Dans ce contexte, les Libéraux de santé (LDS) demandent à la fois un « changement de nom » du répertoire RPPS par RPPSS « Répertoire professionnel partagé de la santé et du social » et la mise en œuvre technique d’une « distinction claire des professions » au sein de l’annuaire de santé consultable par les patients.


Source : lequotidiendumedecin.fr