Une permanence des soins stabilisée mais des fragilités structurelles

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Publié le 11/04/2025
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Derrière le taux de volontariat stabilisé (autour de 40 % des généralistes susceptibles de faire des gardes) persistent des obstacles structurels à la permanence des soins ambulatoires (PDSA). Vieillissement des praticiens dans certains secteurs, rémunération peu incitative, insécurité : dans son enquête annuelle, l’Ordre identifie les freins et avance des propositions.

Avec un taux de 93 %, la couverture des territoires s’avère solide en soirée, de 20 h à minuit

Avec un taux de 93 %, la couverture des territoires s’avère solide en soirée, de 20 h à minuit

Tant pis pour les esprits chagrins qui réclament à cor et à cri le retour des gardes obligatoires en médecine générale. Alors que plane toujours la menace d’une remise en cause du volontariat (lire aussi pages 16 et 17), la dernière enquête de l’Ordre des médecins sur la PDSA – auprès de 103 conseils départementaux ordinaux – démontre, chiffres à l’appui, que l’engagement des médecins libéraux sur ce terrain reste intact.

Malgré la pénurie médicale, la couverture globale des territoires reste très élevée et « stable » durant les week-ends et jours fériés (97 % des secteurs couverts), solide en soirée de 20 h à minuit (93 %) et certes plus faible en nuit profonde de minuit à 8 h (27 %), mais avec très peu d’actes sur ce dernier créneau. Pour assurer cette couverture, quelque 26 000 généralistes sont volontaires, en tant qu’effecteurs et/ou régulateurs, parmi les quelque 65 700 praticiens susceptibles de prendre des gardes (soit autour de 40 %).

Pour autant, derrière ces chiffres encourageants, l’enquête ordinale révèle les fragilités de la PDSA, parfois anciennes, et propose des pistes d’amélioration.

Secteurs trop larges, praticiens épuisés

Le premier motif d’inquiétude reste sans surprise la démographie médicale. Dans certaines zones rurales, le vieillissement et l’érosion des effectifs des généralistes en exercice (départs non remplacés) compliquent l’organisation du tour de garde. Faute de volontaires, certains départements ont été contraints d’élargir les secteurs devenus « trop vastes », augmentant les distances à parcourir. Confrontés à une « charge de travail déjà particulièrement soutenue » en journée au cabinet, certains praticiens « en situation d’épuisement professionnel » sont découragés de prendre des gardes en soirée et le week-end, souligne l’Ordre.

L’insécurité « croissante » est un autre handicap récurrent. Selon l’Ordre, certains médecins conditionnent leur participation en maison médicale de garde à la présence d’agents de sécurité ou de caméras de surveillance. En Martinique et en Nouvelle-Calédonie, de nombreux secteurs ont interrompu en 2024 les gardes de soirée pour des raisons de sécurité.

La présence d’autres intervenants modifie la donne. Dans un tiers des départements concernés, l’existence de centres de soins non programmés ou à horaires élargis – ouverts en partie aux horaires de PDSA – a pu aussi « freiner l’implication » des confrères libéraux.

Rémunération à la traîne en soirée

La question tarifaire reste mentionnée comme un obstacle. Les médecins jugent en majorité « insuffisante » la gratification financière pour les gardes en soirée et « contraignante » la fiscalité. Aujourd’hui, le montant des forfaits d’astreinte d’effection (fixé par les ARS) ne peut pas être inférieur à 180 euros pour 12 heures, soit 15 euros de l’heure. La situation reste toutefois hétérogène, et pas toujours lisible. Au niveau national, pour des tranches de quatre heures, les montants de ces forfaits varient de 60 à 250 € pour l’effection fixe et de 60 à 670 € pour l’effection mobile.

Les ordres départementaux interrogés invoquent d’autres éléments pour expliquer le fonctionnement « non optimal » de la PDSA localement. Parmi ces motifs, ils citent les « mauvaises relations entre l’effection et le Centre 15 dans le cadre de la régulation », les problèmes de transport ou encore le manque de communication autour du SAS et de la régulation en général, ainsi que la tarification des visites à domicile.

Mobiliser les jeunes et les salariés

Comme chaque année, les ordres départementaux avancent des mesures pour améliorer l’attractivité de la PDSA. Sont cités des forfaits « plus incitatifs », la défiscalisation généralisée, la revalorisation des visites ou l’indemnisation des distances vers les centres de régulation. Certains conseils réclament une participation accrue des étudiants et des praticiens salariés, des mesures de sécurité, l’arrêt des gardes sur certains créneaux horaires, la création de transports dédiés ou l’essor des points fixes. D’autres pistes nouvelles sont évoquées comme l'intégration organisée des centres de soins non programmés (CSNP) à la PDSA ainsi que la réintroduction des majorations MN ou F pour les recours non régulés en maison médicale de garde.

Pourquoi les généralistes refusent-ils de faire de la régulation ? 

Pour expliquer la réticence des généralistes à participer à la régulation médicale, 14 entretiens ont été menés (de juin 2020 à juin 2021) dans le cadre d’une thèse réalisée par la Dr Cécile Angoulvant, régulatrice médicale dans la Sarthe. Résultats ? Les médecins sondés expliquent d’abord qu’il s’agit « d’une activité bien distincte de l’activité clinique habituelle », précisant que la régulation est « très exigeante » et engage « une forte responsabilité ». C’est aussi une « source d’anxiété » qui peut conduire à « des erreurs et à des procès ». Les sondés ont recommandé d’inclure la régulation dans la formation médicale initiale et continue.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du Médecin