Agnès Firmin Le Bodo était très attendue au 62e congrès des centres de santé, dans un contexte où les vents sont plutôt porteurs pour ces structures qui pratiquent le tiers payant et les tarifs opposables, mais dont le modèle reste extrêmement fragile.
La ministre avait quelques annonces dans son escarcelle : l’inspection générale des affaires sociales (Igas) lui remettra, d’ici à la fin de l’année, son rapport commandé au printemps sur l’analyse des différents modèles économiques des centres de santé (subventions forfaitaires, part du paiement à l’acte, mix financier, gestion associative, à but non lucratif, place du privé, etc.). Objectif : assurer enfin la pérennité budgétaire des ex-dispensaires, qui séduisent aujourd'hui quelque 8 000 praticiens salariés.
Cette étude permettra de nourrir l’élaboration et la présentation d'un plan spécifique « visant à développer les centres de santé », et ce « pour le début 2024 ». Cette feuille de route « pourra également intégrer certaines mesures du plan 4 000 maisons de santé présenté à l'été », a précisé la ministre déléguée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, devant une salle attentive mais mitigée, faute de concret.
Alignement des statuts ?
Interpellée sur la question d’aligner le statut des médecins exerçant en centres de santé sur celui des praticiens hospitaliers, cheval de bataille historique de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS) et de leur Fédération nationale (FNCS, gestionnaires), statut qui ouvrirait l’accès à des passerelles d’exercice, la ministre a proposé d’inclure cette piste dans la mission Igas. « On parle souvent d’exercice mixte entre le libéral et le salariat, mais nombre de médecins salariés aimeraient par exemple partager leur exercice entre la PMI, l’hôpital et les centres de santé », a explicité le Dr Frédéric Villebrun, président de l’USMCS, avec l'assentiment du public.
« Votre place et votre contribution essentielle à notre système de santé, n’est plus à prouver », a martelé la ministre évoquant la crise Covid, sans vraiment convaincre. Pourquoi avons-nous été exclus du Ségur de la santé et de ses revalorisations ?, ont rétorqué en substance les médecins concernés. « Ce manque de reconnaissance, nous l’avons vécu comme une humiliation », a grincé un soignant présent au congrès.
L'« inégalité de traitement » entre centres de santé et cabinets libéraux en matière de stages lors de la 4e année d'internat médecine générale a également été pointée du doigt. Entre la possibilité pour un interne de facturer jusqu’à 4 500 euros par mois en stage libéral versus 1 800 euros de salaire dans les centres de santé « leur choix risque d'être vite vu », se désole le Dr Villebrun.
Financiarisation dans le viseur
La Dr Hélène Colombani, présidente de la FNCS, a enfin relayé l’inquiétude du secteur face à la financiarisation rampante. Sur ce point aussi, la ministre s’est voulue rassurante, prenant l’exemple des déconventionnements (par la Cnam) de centres ophtalmologiques et dentaires déviants. La vigilance est de mise. « Ces dérives possibles sont dans notre viseur », a assuré Agnès Firmin Le Bodo, qui se sait attendue au tournant.
Dans l’immédiat du moins, la ministre n’aura pas à s’inquiéter d’une participation des centres de santé à la grève reconductible des libéraux à partir du 13 octobre. Ces structures ont déjà annoncé qu’elles ne rejoindraient pas ce mouvement.
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