Quitte ou double ? C’est une journée en forme de veillée d’armes pour l’Assurance-maladie et les syndicats de médecins libéraux, qui s’apprêtaient à attaquer la dernière ligne droite des négociations conventionnelles, tout en attendant toujours la composition finale du gouvernement.
De l’avis général, les négos vont entrer dans le dur, ce jeudi 8 février. Reportée en raison du remaniement ministériel, cette troisième séance dite « multilatérale » (avec toutes les parties) se présente comme décisive. Thomas Fatôme, le DG de la Cnam, n’a pas fait mystère qu’il dévoilerait des premières propositions de revalorisations tarifaires – et donc tout ou partie du montant de l’enveloppe financière dévolue à la médecine libérale. Pour autant, les pourparlers se poursuivront en février et mars.
Espoir et craintes
L’arrivée de Catherine Vautrin à la tête d’un très large portefeuille santé/social a suscité au départ quelques inquiétudes chez les libéraux. La lettre de cadrage politique rédigée par l’ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau, soulignant la nécessité de revaloriser l’exercice libéral, serait-elle revue ? Y aura-t-il de nouvelles économies réclamées à la demande de Bercy qui s’alarme de la dérive des finances publiques ? Cette inquiétude semble avoir été en partie dissipée par les contacts entre la nouvelle ministre et plusieurs équipes syndicales.
À l’issue de son premier entretien avec Catherine Vautrin, la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, s’est dite « rassurée ». « Le cap fixé ne change pas », affirme la généraliste parisienne au Quotidien. La priorité du gouvernement reste l’accès aux soins mais pour y parvenir, la nouvelle convention devra absolument comporter des mesures lisibles et fortes pour rendre plus attractive la médecine libérale « afin que davantage de jeunes médecins s'installent et s'engagent dans le suivi d'une patientèle au long cours ».
30 euros immédiatement et sans conditions
La question des honoraires – et donc d’abord du tarif de la consultation de référence – va donc revenir au tout premier plan. Dans ce domaine, la revalorisation de la consultation de base à 30 euros minimum est devenue un prérequis (même si quelques organisations revendiquent toujours 50 euros). À la veille de cette réunion capitale, les leaders syndicaux se montraient en tout cas « combatifs ». « Cette hausse que nous avons toujours réclamée n'est pas une augmentation mais un maintien du revenu au regard de l'inflation », recadre la Dr Giannotti.
« Les 30 euros, c’est tout de suite, non négociable et sans conditions, embraie le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. Si on ne revalorise pas la médecine générale, il n’y aura pas de convention ». Le patron de la Conf’ revendique toujours une hiérarchisation réévaluée de l’ensemble des actes cliniques (de 30 à 150 euros) selon des critères de complexité et d’expertise. À défaut, les spécialités cliniques « vont disparaître en ville », prévient le gastro-entérologue à Reims.
Pour certains leaders, l’investissement qui se profile risque d’avoir goût de trop peu. « 30 euros, c’est totalement insuffisant alors qu’on est au pied du mur », prévient le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-Syndicat. La FMF n’est pas très « optimiste » non plus. « Si Thomas Fatôme avait de l’argent, il nous l’aurait déjà proposé… », analyse la Dr Patricia Lefébure, présidente de la FMF. Représentant majoritaire des médecins spécialistes, le Dr Patrick Gasser confie aujourd’hui son inquiétude. Le président d’Avenir Spé réclame une convention « équilibrée entre généralistes et spécialistes ». « On va encore nous refaire le coup d’une convention pour la médecine générale et les spécialistes auront les miettes. Si c’est le cas, on ne signera pas », prévient déjà le gastro-entérologue de Nantes.
Contreparties, mais lesquelles ?
La Cnam est consciente des attentes fortes mais elle n’a pas les coudées franches sur le plan budgétaire. Un premier signal clair a été envoyé lors de la deuxième multilatérale en décembre avec 100 millions d’euros programmés pour revaloriser le forfait patientèle médecine traitant (FPMT), priorité des priorités.
La question des contreparties reste posée. Certes, la caisse a renoncé au contrat d’engagement territorial (CET) qui avait braqué la profession en réclamant aux médecins des engagements chiffrés contre les tarifs plus élevés. Mais interrogé sur France inter en janvier, Thomas Fatôme a redit que ce round ne pouvait pas se résumer à une « négociation tarifaire dans laquelle la Cnam fait un chèque ».
Le contexte politique n’est pas non plus optimal. Outre l’instabilité à Ségur, plusieurs signaux récents venant de Matignon et de l’Élysée ont obscurci l’horizon des libéraux avec un possible tour de vis sur la permanence des soins (retour des gardes obligatoires) et un pas éventuel vers la rémunération à la capitation (au patient). Ces mesures en forme d’épouvantails seront-elles sur la table, et sous quelle forme ? Les syndicats ont prévenu. Le retour de la contrainte conduirait à l’échec.
En tout état de cause, la séance multilatérale de jeudi ne sera pas la dernière. La Cnam prévoit de nouvelles rencontres bilatérales en février et une possible réunion conclusive en mars.
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