Cette fois, pas de claquage de porte ni de départ précipité ! Contrairement à l'an passé, la première réunion multilatérale de négociations entre l'Assurance-maladie et les six syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, MG France, FMF, SML, Avenir Spé-Le Bloc et l'UFML-S) s'est déroulée dans un « climat constructif », a jugé Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, lors d'un point de presse, mercredi soir.
Huit mois après l'échec d'une première tentative, les organisations syndicales ont salué de leur côté une atmosphère plus « apaisée, bienveillante ». Pour cette « nouvelle négociation », « on ne refait pas le match », a promis Thomas Fatôme.
Lors de ce premier round – trois heures et demie – le patron de la Sécu a égrené les quatre axes de travail fixés par la lettre de cadrage d'Aurélien Rousseau : l'attractivité de la médecine libérale, la pertinence et la qualité des soins (prévention, maîtrise des prescriptions, arrêts maladie, etc.), l'accès aux soins et l'évolution des modes de rémunération. Et pour chaque orientation, le DG a détaillé les principaux items sur lesquels vont travailler les partenaires conventionnels lors de la vingtaine de réunions étalées jusqu'au 25 janvier 2024. Pour l'instant…
Revalos et conditions de travail
Pour le volet attractivité, le patron de la Cnam a confirmé son souhait de « valoriser la consultation clinique pour aller au-delà du règlement arbitral » mais aussi de « réduire les déséquilibres de rémunération au niveau des spécialités ». Il a promis d'investir dans la fonction centrale de médecin traitant via le forfait ad hoc, sans oublier la problématique de la réévaluation des actes techniques (avec une refonte de la nomenclature se terminant début 2025).
Le volet de la pertinence des soins a suscité des échanges « plus longs » et « plus approfondis » sur les arrêts de travail (dans un contexte de contrôles accrus très critiqués par les généralistes), la iatrogénie et les transports. Thomas Fatôme a tenu à rappeler que sa stratégie est fondée sur des référentiels scientifiques et a affiché sa volonté d'avancer rapidement. « Dès la semaine prochaine », l'objectif est de se mettre d'accord avec les syndicats sur « une dizaine de programmes de pertinence » avec « des objectifs chiffrés » de réduction, par exemple la prescription des antibiotiques. Pour inciter les médecins à des prescriptions plus pertinentes et sobres, la Cnam suggère « d'inventer de nouveaux mécanismes d’incitation financière collective et individuelle ».
Refonte de la Rosp et du forfait structure
Pour favoriser l'accès aux soins territorial et financier, troisième volet, Thomas Fatôme a insisté non pas sur les soins non programmés – sujet sensible pour les syndicats – mais sur la simplification des aides à l'installation et le déploiement des équipes de soins spécialisés (ESS). Pour favoriser l’exercice coordonné, l'idée d'une mutualisation d'un certain nombre de dispositifs, comme celui des assistants médicaux dans les cabinets de groupe, fait partie des pistes.
Pour la refonte des modes de rémunération, bloc beaucoup plus délicat, le DG de la Cnam a assuré vouloir proposer des « choses ambitieuses » pour simplifier la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) mais aussi le forfait structure « mal compris par les médecins » car « comportant sans doute trop d'indicateurs ».
Un accord global ou pas d'accord du tout
Quant à la généralisation des expérimentations (dites article 51) sur le paiement collectif forfaitaire en substitution du paiement à l'acte pour une équipe pluriprofessionnelle (Peps) et le financement incitatif à une prise en charge partagée (Ipep), « cela n'a pas fait réagir négativement les syndicats », s'est réjoui Thomas Fatôme. Pas sûr que le SML ou la FMF, très réticents face aux évolutions forfaitaires, ne l'entendent de cette oreille.
Pour l'heure, « attaché » à avancer sur « les quatre briques », le DG se dit prêt « à être ambitieux sur certains volets », y compris financiers. Mais, « soit on aura un accord sur tous ces sujets, soit il n’y aura pas d’accord », a-t-il prévenu, reconnaissant (comme Aurélien Rousseau) que ces nouvelles discussions vont être « difficiles ».
Moyens financiers, le grand absent
La présentation de ces orientations générales a semblé convenir aux syndicats. « Il n'y a pas de points de désaccord majeurs, a souligné le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, en fin de la séance. Mais tout reste à faire. Il y aura des propositions et il risque d'y avoir des tensions car jusqu'ici on n'a pas parlé de tarifs ni d’enveloppe globale ». « Nous ne sommes pas entrés dans le dur, disons que c'était un échauffement light », ironise le président de la CSMF, le Dr Franck Devulder.
Très critique à la fois sur la méthode et le contenu lors du précédent de round de négociations l'an dernier, le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S, a reconnu « un certain nombre d'ouvertures » dans le programme. « Je crois que le gouvernement est conscient qu'il va falloir investir beaucoup, avance le généraliste de Fronton. « Cela s'est bien engagé », salue aussi le Dr Patrick Gasser, président d'Avenir Spé.
Les jeunes sur un strapontin ?
Du côté de MG France, le Dr Jean-Christophe Nogrette, vice-président, a pointé quelques points potentiels de friction, notamment la mutualisation d'aides entre médecins d’un même cabinet groupe ou la généralisation des expérimentations au forfait. La nouvelle présidente de la FMF, la Dr Patricia Lefébure, a salué une séance constructive mais regretté l'absence de chiffrage financier. « On ne sait toujours pas quelles sont les marges budgétaires de la Cnam », a-t-elle résumé.
Interrogé par Le Quotidien sur cette fameuse enveloppe, Thomas Fatôme a botté en touche, rappelant « que nous ne sommes qu'au début des discussions ». « Lors des négociations récentes avec les masseurs-kinés ou les sages-femmes, la Cnam a démontré qu'elle était capable d'investir de façon importante », a-t-il souligné.
Seule ombre au tableau à l'issue de ce tour de chauffe, les syndicats juniors qui déplorent déjà de ne pas pouvoir assister aux réunions spécifiques « focus » et d'être cantonnés aux multilatérales (beaucoup plus rares). Le DG de la Cnam a tenu à désamorcer toute polémique naissante en s'engageant à tenir, avec eux, des séances ad hocsur leurs problématiques. Reste que, sur le calendrier proposé, leur prochaine participation en tant qu'observateurs est programmée pour le 21 décembre.
Les six centrales représentatives, elles, entreront dans le vif du sujet dès la semaine prochaine. Au menu, un premier « focus médecine générale », mercredi 22, suivi dès le lendemain par le « focus pertinence et qualité des soins ». Un premier plat de résistance ?
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