Ce lundi 19 mai, devant le tribunal judiciaire de Vannes, des victimes de Joël Le Scouarnec ont pris la parole. À quelques jours du verdict, attendu le 27 ou 28 mai, et après 66 jours d’audience, elles dénoncent un silence institutionnel persistant et réclament l’ouverture d’une commission d’enquête interministérielle à l’instar de Bétharram où une commission parlementaire a été ouverte.
« À neuf jours de la fin du procès, nous ne pouvons plus accepter l’inaction. Nous ne pouvons plus accepter que cette affaire historique se termine comme elle a commencé : dans le silence », a déclaré Manon, l’une des membres du collectif présente devant le tribunal. Depuis le 24 février, l’ancien chirurgien est jugé pour viols et agressions sexuelles sur 299 patients, dont une majorité d’enfants.

Des victimes invisibilisées
Pour les victimes, ce procès dépasse le cas individuel. « C’est le procès d’un système : défaillances institutionnelles, alertes ignorées, responsabilités diluées », a estimé Gabriel, un des membres du collectif. En 2005, Joël Le Scouarnec a été condamné pour détention d’images pédopornographiques. Pourtant, il a continué à « exercer, à opérer, à agresser ». Son logement hospitalier n’a jamais été perquisitionné. Sa cave, jamais fouillée. Les preuves de ses crimes – des carnets intimes – n’ont été retrouvées que plus tard, ont appuyé le collectif. « Les preuves existaient. Sa dangerosité était connue. Et les institutions ont laissé faire ! », clament ses membres.
À force d’être invisibilisés, on finit par croire qu’on ne compte pas, et quand on croit qu’on ne compte pas, on se tait.
Crystel, membre du collectif de victimes
Depuis l’ouverture du procès, les victimes estiment être reléguées loin du cœur du procès : salle annexe, éloignement des débats, absence de connexion pour suivre les audiences à distance. « À force d’être invisibilisés, on finit par croire qu’on ne compte pas, a regretté Crystel, et quand on croit qu’on ne compte pas, on se tait. »

Au-delà du silence judiciaire, les victimes dénoncent l’absence de réponse politique. « On nous avait promis "le procès du siècle". Mais depuis l’ouverture, pas une réforme, pas un signal fort, pas même une annonce politique. La justice fait son travail. Mais le politique est absent, a dénoncé Manue, une des membres du collectif. Le monde médical, lui, reste silencieux. Ce procès aurait dû être le moment d’une introspection collective : sur les pratiques, les signaux d’alerte ignorés, les silences. Mais rien ! Au contraire, ça continue. Le 6 mai, on apprend qu’un ORL mis en examen pour agressions sexuelles à Vannes exerce encore aujourd’hui comme médecin du travail en Vendée », insiste-t-elle.
Une commission interministérielle réclamée
Le collectif a écrit aux ministres de la Santé et de la Justice, ainsi qu’à la Haut-Commissaire à l’Enfance. Il demande une commission d’enquête pour faire de ce procès « un point de bascule, pas une parenthèse [ou] une occasion manquée ».
Parmi les revendications : signalement obligatoire pour les médecins de toute suspicion de violence sexuelle sur mineur, interdiction d’exercer pour les professionnels condamnés pour violences sexistes ou sexuelles, accès encadré au casier judiciaire lors des recrutements ou des signalements, protection des lanceurs d’alerte, meilleure responsabilisation des ARS, Cnom et CDOM avec des obligations de transparence et de sanctions effectives ainsi qu’une meilleure prise en charge des victimes et reconnaissance de la sérialité comme circonstance aggravante. Des dispositifs accessibles et pérennes pour libérer la parole dans tous les lieux de vie (écoles, hôpitaux, structures spécialisées) sont également des mesures attendues. « Ce pays a une dette envers nous, lâche Gabriel, une des victimes. Le silence ne protège que les agresseurs. Ce procès doit marquer un avant et un après. »
« Plus jamais ça, conclut Yvan, autre membre de l’association. Pas dans un hôpital. Pas dans une école. Pas dans une église. Pas dans une famille. Nulle part. Ce silence n’est plus acceptable. »
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