Plus de dix ans après le début du scandale du Mediator, le tribunal de Paris a reconnu coupable ce lundi les laboratoires Servier de « tromperie aggravée » et d'« homicides et blessures involontaires ».
L’affaire avait éclaté en 2010. Dans un livre intitulé « Mediator 150 mg : combien de morts ? », la pneumologue Irène Frachon du CHU de Brest avait alerté sur la dangerosité du médicament antidiabétique également utilisé comme coupe-faim.
Délivré par les laboratoires Servier, le médicament a été pris à l’époque par 5 millions de personnes et tenu pour responsable de la mort de plusieurs centaines d’entre eux (un rapport d’expertise judiciaire du parquet de Paris rendu en avril 2013 avait conclu que 220 à 300 morts à court terme avaient été imputables à une valvulopathie, pour 1 300 et 1 800 à long terme).
Issue d’un procès historique de plusieurs mois
Ouvert en septembre 2019, le procès de cette affaire hors norme s’était achevé en juillet 2020. Plus de 6 500 personnes s’étaient constituées partie civile. Le délibéré tant attendu a été rendu ce lundi matin à 10 heures.
« Malgré la connaissance qu’ils avaient des risques encourus depuis de très nombreuses années, […] les laboratoires Servier n’ont jamais pris les mesures qui s’imposaient et ainsi trompé » les consommateurs du Mediator, a ainsi déclaré la présidente du Tribunal.
Le groupe pharmaceutique a finalement été condamné à payer 2,7 millions d’euros d’amende au titre de « tromperie aggravée » et d'« homicides et blessures involontaires » mais a toutefois été relaxé du délit d'« escroquerie » au préjudice de la Sécurité Sociale et des mutuelles.
Jean-Philippe Seta, l’ex-numéro 2 du groupe pharmaceutique et ancien bras droit de Jacques Servier, décédé en 2014, a lui été condamné à quatre ans de prison avec sursis. Le parquet avait requis cinq ans de prison à son encontre dont trois ans ferme ainsi que 200 000 euros d’amende.
Lors du procès, le groupe pharmaceutique s’était toujours défendu d’une « volonté délibérée de tromper ». L’avocat du groupe avait d’ailleurs argué que ses clients n’avaient « pas identifié un signal de risque significatif avant 2009 ».
L’ANSM condamnée à 300 000 euros d’amende
Jugée pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) a quant à elle écopé de la peine maximale de 225 000 euros d’amende pour « homicides et blessures involontaires » par négligence. S’ajoutent à cela des peines d’amendes contraventionnelles à hauteur de 78 000 euros.
Pendant le procès, le tribunal de Paris avait souligné la négligence de l’agence qui avait « failli dans (son) rôle de police sanitaire et de gendarme du médicament ». L’agence avait, elle, reconnu une « part de responsabilité » dans le « drame humain » du Mediator et n’avait pas sollicité de relaxe.
Avec AFP
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