Comme il s'y était engagé dans nos colonnes, Jean-Paul Delevoye a présenté la semaine dernière aux syndicats de médecins libéraux des premières simulations permettant de mesurer l'impact de la réforme des retraites sur les pensions des praticiens (Le Généraliste n° 2882).
Alors que la profession redoute une chute d'environ 30 % du montant des pensions, contre une baisse de 20 % des cotisations, le Haut-commissaire aux retraites s’est attelé à rassurer les médecins à l’aide de projections selon lesquelles le corps médical y perdrait finalement peu.
Selon ces simulations dont Le Généraliste a eu copie, la pension d’un médecin s’installant en 2025 – année d’entrée en vigueur de la réforme – effectuant une carrière complète, et dont le revenu moyen serait d’un PASS (plafond annuel de Sécurité sociale, environ 40 000 euros) ne serait inférieure que de 4,4 % à ce qu’elle aurait été dans le système actuel. Pour deux PASS, d’un niveau proche du BNC moyen des généralistes, la perte serait de 2 %. Un médecin à trois plafonds verrait sa pension progresser de 5,5 %.
Ce différentiel s’expliquerait par l’élargissement de l’assiette des cotisations retraite et l’indexation des prestations sur l’évolution des salaires, et non plus sur l’inflation. Ces projections n’ont toutefois pas convaincu les représentants des médecins, qui restent prudents.
Une baisse moyenne de 12,2 % des allocations
Le Dr Olivier Petit, en charge des retraites à la FMF, souligne que pour les cas projetés, le taux de cotisation des médecins restera supérieur à 28,12 % (le taux de cotisation unique fixé par le régime universel) pendant une période de transition de quinze ans, avant de se stabiliser à ce niveau. « Et hors période de transition, le Haut-commissariat reconnaît tout de même qu'il y aurait une baisse de 12,2 % des allocations par rapport à aujourd’hui, relève-t-il. Cela démontre bien ce qu’on dit depuis le début : il y aura une baisse des pensions. »
« Selon le Conseil d’orientation des retraites, le salaire moyen a progressé de 3,05 % par an lors des dernières décennies, contre 1,75 % pour l’inflation sur les dix dernières années, explique le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Je comprends bien que si cette tendance demeurait, il n'y aurait plus cet écart entre nos projections et celles du Haut-commissaire. Mais qu’adviendra-t-il si le salaire moyen n’évolue pas aussi favorablement ? ». « L’indexation sur le salaire moyen suppose que les médecins fassent confiance à la santé économique du pays », complète le Dr Jacques Battistoni, président de MG France.
Deux autres réunions à venir
De son côté, le SML a fait savoir qu’il allait « prendre le temps d'analyser en profondeur [les simulations] et vérifier si elles permettent de répondre à [ses] revendications ». Le Dr Ortiz relève en outre que les projections de Jean-Paul Delevoye concernent des « carrières linéaires », alors que celles des médecins « sont plutôt courtes, avec une grande variation des revenus ».
Plusieurs sujets demeurent en suspens : l’avenir du régime ASV, la gestion des réserves de la Carmf, la place des médecins dans la gouvernance du système universel et les questions de protection sociale seront abordées lors de deux réunions ultérieures.
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