La méthodologie avait été imaginée par Nicolas Revel, alors directeur général de l'Assurance-maladie, pour tenter de « disrupter » le système de santé : expérimenter en dérogeant au droit commun, évaluer puis, le cas échéant, généraliser le dispositif en faisant évoluer la loi. Quatre ans après la mise en place du cadre des expérimentations dites « article 51 », en référence à une disposition du budget de la Sécu pour 2018, l'heure de la généralisation a sonné.
Mi-novembre sont parus les textes réglementaires permettant le passage à grande échelle de l'expérimentation « Mission retrouve ton cap » dont l'objectif est de réduire de 20 % l'obésité chez les enfants. Une première qui pourrait être suivie d'autres car plus de 120 expérimentations sont en cours de déploiement, avec des premiers résultats d'évaluation disponibles pour un tiers d'entre elles, selon le rapport annuel au Parlement sur les « expérimentations innovantes en santé ». En 2023 et 2024, ce sont entre 30 et 40 expérimentations qui arriveront à leur terme.
Nombre de projets se cassent les dents
À vrai dire, la montée en charge a été progressive et, il est vrai, retardée nécessairement par la crise du Covid. Mais le nombre de projets autorisés a connu une forte progression depuis trois ans, passant de 42 en 2019, à 79 en 2020, puis à 113 en 2021 pour dépasser les 120 mi-2022. « Depuis le début du dispositif, les expérimentateurs font l’objet d’un accompagnement de bout en bout, mobilisant également le réseau des agences régionales de santé et des organismes de l’Assurance-maladie, se félicite la Cnam qui pilote le chantier en tandem avec le ministère de la Santé. Depuis trois ans et demi, 129 ateliers d’accélérateur 51 ont soutenu la dynamique des porteurs de projet, auxquels sont venus s’ajouter en 2022 17 ateliers d’accompagnement renforcé pour des projets en cours de mise en œuvre ».
Il demeure que beaucoup de projets se cassent encore les dents sur la complexité de la procédure d'autorisation. Depuis 2018, 1 073 projets ont été déposés. Parmi eux, 101 ont été abandonnés par leurs auteurs, 401 ont été déclarés non recevables et 214 ont été rejetés sur le fond. Dans une grande partie des cas, les expérimentations refusées ne rentraient pas dans le cadre fixé, au sens où elles ne dérogeaient pas au Code de la santé publique ou aux règles de financement existantes. Certaines ont d'ailleurs été redirigées vers des cadres d'expérimentations plus habituelles : fonds d'intervention régionaux (FIR), départements ou programmes de recherche.
Coordination, parcours et séquences de soins
Quant aux 122 projets autorisés, ils ont été financés à hauteur de 516 millions d'euros et visent une cible de 1,163 million de bénéficiaires dont essentiellement des personnes âgées (34 % des expérimentations), des enfants et des jeunes (25 %), des personnes handicapées (9 %) et des populations précaires (8 %).
Signe des temps, les deux tiers des projets retenus ont pour finalité « la coordination, les parcours, l'exercice coordonné et les séquences des soins » quand 28 % visent à améliorer l'accès aux soins. L'ambulatoire représente 47 % des projets, l'hôpital 19 %, le médico-social (5 %) – tous les autres étant mixtes.
La prévention au sens large concerne de près ou de loin 64 % des expérimentations avec une thématique qui monte : l'activité physique adaptée, présente dans un projet sur cinq. On peut citer l'expérience l’expérimentation « As du cœur » pour la réadaptation des malades cardiaques ou, très récemment, le programme Cami Sport et cancer pour évaluer l'activité physique adaptée à but thérapeutique.
À noter l'omniprésence de la profession infirmière : 72 % des projets impliquent leur intervention. Les médecins traitants ne sont pas en reste : ainsi, l'expérimentation nationale IPEP (Incitation à une prise en charge partagée) qui vise à tester un mode de rémunération populationnelle a séduit pas moins de 420 généralistes.
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