Deux mois l'après l'échec retentissant des négociations conventionnelles entre l'Assurance-maladie et les syndicats de médecins libéraux, Annick Morel, la haute fonctionnaire chargée de rédiger le règlement arbitral a présenté ce lundi matin son texte aux différentes parties. Son objectif est clair : ménager « une transition vers une reprise rapide des négociations ». « Une convention négociée vaut mieux qu’un règlement administré et c’est ainsi que le législateur a conçu la procédure d’arbitrage », peut-on lire dans la présentation transmise à la presse. De fait, l'ex-présidente du Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance-maladie (HCAAM) a reconduit l'essentiel de la convention de 2016 dans sa version en vigueur et réduit les revalorisations au strict minimum.
Ainsi comme prévu dans le projet initial de convention qu'avait rédigé Thomas Fatôme, le directeur général de la Cnam, toute une série de consultations sont augmentées de 1,50 euro, sans aucune condition. Pour les médecins généralistes, les consultations et visites de référence passeront donc de 25 euros à 26,50 euros (de 30 euros à 31,50 euros pour les enfants de moins de 6 ans), alors que les syndicats réclamaient tous, au minimum, 30 euros voire 50 euros pour certains. Pour les spécialistes de secteur I et de secteur II ayant adhéré aux options de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) lorsque les consultations sont réalisées à tarif opposable, le tarif passe de 30 euros à 31,50 euros.
Spécialités cliniques revalorisées
Le coup de pouce concerne aussi plusieurs spécialités cliniques : les pédiatres (la consultation de base passe de 37 euros à 38,50 euros pour les enfants de moins de 2 ans et de 32 euros à 33,50 euros pour les enfants de 2 à moins de 6 ans et pour un enfant de 6 à moins de 16 ans qui ne lui est pas adressé par le médecin traitant), les psychiatres, neuropsychiatres et neurologues (de 50,20 euros à 51,70 euros) et les cardiologues pour les consultations spécifiques (de 52,50 euros à 54 euros).
De même, l’avis ponctuel de consultant passe de 55 à 56,50 euros et de 62,5 à 64 euros quand il est prodigué par un psychiatre ou un neurologue. Quant aux consultations complexes, elles évoluent de 46 euros à 47,50 euros. Tous ces nouveaux tarifs ne s'appliqueront qu'« à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'approbation de ces dispositions » par le ministre de la Santé.
En revanche, il n'est plus question des consultations de niveau supérieur qui avaient été envisagées dans le projet initial de la Cnam, en échange d'un « engagement territorial », une contrepartie qui avait suscité un vif rejet de la part des syndicats médicaux.
Favoriser l'accès aux soins des « personnes les plus fragiles »
Sans surprise, le règlement arbitral met aussi en musique les priorités de la feuille de route santé rappelée par Emmanuel Macron dans son allocution télévisée la semaine dernière. Pour procurer « d'ici à la fin de l'année » un médecin traitant aux quelque 600 0000 patients chroniques qui en sont privés, le règlement arbitral crée une « consultation spécifique pour l’inscription d’un nouveau patient en ALD dans la patientèle du médecin traitant » valorisée à 60 euros. Ce tarif a vocation à rémunérer « le temps et l’expertise des médecins traitants dans cette prise en charge complexe ». Par dérogation, Annick Morel propose que cette mesure s'applique dès la publication du texte.
En parallèle, l'arbitre propose aussi de valoriser le forfait patientèle médecin traitant (FPMT) pour les patients en ALD ainsi que les plus de 80 ans même sans ALD à 46 euros contre 42 euros actuellement. « Ce forfait majoré valorise les missions spécifiques du médecin traitant dans le suivi de sa patientèle et notamment la nécessaire coordination du médecin traitant avec les autres professionnels de santé », peut-on lire dans le document. Cette revalorisation, qui est une rémunération calculée sur une base annuelle, s'appliquera au 1er janvier 2024. Enfin, actuellement quatre visites longues par année civile, tarifées à 60 euros, permettent au médecin de prendre en charge à domicile des patients en soins palliatifs. Désormais, le nombre de ces visites ne sera plus limité.
Assistants médicaux : les aides à l'emploi confirmées
Les assouplissements pour l'embauche d'un assistant médical qui avaient été prévus par le projet de convention de la Cnam ont été retenus par l'arbitre. Le dispositif est donc accessible aux médecins de secteur 1 et de secteur 2 ayant adhéré aux options de pratique tarifaire maîtrisée. Il n’est pas conditionné à un exercice coordonné, à un exercice en groupe ou à un exercice en zone sous-dense. L’employeur peut être soit un médecin en solo, un groupe de médecins libéraux ou « une structure organisée en groupement d’employeurs ».
Leur montant est dégressif les deux premières années et, à compter de la 3e année, il est modulé en fonction de l’atteinte par le médecin des objectifs d’augmentation de sa patientèle ou de sa file active. Au total, si les objectifs sont atteints, le montant d’aide varie entre 36 000 et 10 500 euros selon la taille de la patientèle. Deux options de temps de travail sont possibles, à temps plein ou à mi-temps
Majoration de 15 euros pour les SNP
C'était une des mesures d'urgences pour l'été dernier imaginées par François Braun. La majoration de 15 euros pour les soins urgents et non programmés (SNP) trouve donc naturellement sa place dans le règlement arbitral. Elle s’applique aux médecins qui acceptent des patients hors patientèle dans les 48 heures de l’adressage par la régulation avec un maximum de 20 actes par semaine.
Les médecins qui participent à la régulation de la PDSA, perçoivent une rémunération forfaitaire horaire de 100 euros.
Informatisation du cabinet, objectifs revus à la baisse
Le règlement arbitral inclut également quelques mesures techniques. Ainsi certaines cibles du 2e volet du forfait structure sont revues à la baisse « pour tenir compte d'une montée en charge plus progressive qu'initialement prévue de certains outils numériques ». Le protocole de soins électronique pour les patients en ALD passe de 90 % à 80 %. La prescription électronique de transports passe de 30 % à 20 %. La déclaration simplifiée de grossesse en ligne passe de 30 % à 10 %. L’objectif des ordonnances numériques sur produits de santé passe de 50 % à 30 % . À noter que la période d’observation pour le paiement du forfait « Volet de synthèse Médicale » est rallongée au 31 décembre 2023.
Enfin, le statut de docteur junior hospitalier est désormais comptabilisé pour l’éligibilité au secteur 2.
Et maintenant ?
Le projet doit être soumis à François Braun pour approbation et publication au Journal Officiel. Mais ce dernier n'a pas fait de suspense. « Considérant que le projet de règlement arbitral comporte des objets déterminants pour améliorer la réponse aux besoins de santé des Français, le ministre de la Santé et de la Prévention annonce qu’il approuvera ce règlement arbitral dans les jours qui viennent, en lien avec le ministre délégué chargé des Comptes publics » a fait savoir l'Avenue de Ségur avant même que les syndicats médicaux soient sortis de la réunion avec l'arbitre.
Ce règlement sera valable pour une durée de cinq ans, même si les partenaires conventionnels doivent engager, dans les deux ans qui suivent son entrée en vigueur, des négociations en vue d’élaborer une nouvelle convention ou un nouvel accord. Le règlement arbitral cesse d’être applicable à compter de l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention. Ainsi, précédemment, la convention du 26 juillet 2011 a remplacé le précédent règlement arbitral du 5 mai 2010.
À noter que les médecins qui ne souhaitent pas être soumis au règlement arbitral peuvent le faire savoir par courrier à leur Cpam. À défaut, ils sont tacitement régis par ce dernier.
De son côté, la Cnam a indiqué dans un communiqué en milieu de journée prendre « acte des mesures retenues par l’arbitre, à savoir une revalorisation de +1,50 euro de chaque consultation, soit + 6 % de hausse pour la consultation de base ». Elle a aussi fait savoir son souhait que « le dialogue avec les médecins puisse se poursuivre et entend construire avec eux un cadre et une méthode de nature à permettre la réouverture des négociations conventionnelles ».
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