LES DEUXIÈMES RENCONTRES pour une Santé durable qui se sont déroulées le week-end dernier à La Grande-Motte (Hérault), ont été le théâtre d’une confrontation animée entre deux générations de praticiens libéraux, lors d’un débat consacré à l’avenir de la médecine de ville. Organisateur de l’événement, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de l’URPS-médecins libéraux Languedoc-Roussillon a rappelé la nécessité de réfléchir à « une offre de soins durable » et a exhorté les représentants des jeunes médecins présents dans la salle à « l’impertinence », afin d’alimenter les échanges voire la controverse. Obéissants, étudiants, internes et chefs de clinique ont défendu avec vigueur leur vision de la médecine libérale, aux antipodes de celle pratiquée aujourd’hui.
Appel d’air.
La formation médicale est le sujet sur lequel s’opposent le plus les médecins en devenir, désireux de changement, et les praticiens installés. Si tous s’accordent à reconnaître les limites du numerus clausus (sélection drastique et pas toujours opportune, taux de redoublement et d’abandon élevé avant les épreuves classantes nationales), les avis diffèrent sur les conséquences de ce système sur la démographie médicale. « Non content d’assassiner nos gamins, le numerus clausus crée un formidable appel d’air pour les médecins étrangers », dénonce le Dr Ortiz. « Sur les 18 filières de spécialités médicales, 52 % seulement des diplômés proviennent des universités de France, réalité qu’on occulte complètement », confirme le Pr Robert Nicodème, président de la section « Formation et compétences médicales » de l’Ordre (CNOM). Les médecins étrangers, frein à l’installation des jeunes ? Cette vision des choses consterne ces derniers. « Le taux d’installation en libéral est le même en 2013 qu’il y a dix ans, s’agace Emanuel Loeb, président de l’Intersyndicat national des internes des hôpitaux (ISNIH). Seul l’âge a reculé ».« Choqué qu’on parte du principe que les médecins étrangers sont moins bons que les Français », Pierre Catoire, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), a fait sursauter quelques participants en estimant qu’« on devrait plutôt déplorer le fait que les médecins français ne se rendent pas assez à l’étranger ».
Plus de management.
La formation universitaire exacerbe tout autant le conflit intergénérationnel. Les propos d’Emanuel Loeb sur le contenu des études médicales ont fait lever de scepticisme les sourcils de l’assemblée. « On fait de moins en moins d’ambulatoire, on reste de plus en plus longtemps à l’hôpital, regrette l’interne en psychiatrie. Du coup, plutôt que structurer les études en terme de spécialités, il faudrait peut-être réfléchir en terme d’offres hospitalière et libérale. De plus, la formation est bien trop centrée sur la pathologie, pas assez sur le managérial ». Des propos auxquels n’adhère pas le Dr Rachel Bocher, venue débattre de la possibilité d’être « praticien à vie » en sa qualité de présidente de l’Intersyndical national des praticiens hospitaliers (INPH). « On ne peut pas tout apprendre en même temps», tempère-t-elle, rejointe par de nombreux congressistes. Le soin avant tout. Mieux former à l’ambulatoire ? D’accord pour « favoriser la transversalité et la reconnaissance de la diversité des pratiques », pas d’accord pour « priver l’hôpital de l’enseignement et de la recherche au profil de la ville, pour ne conserver que la précarité », tacle le Dr Bocher.
Les maisons de santé en débat.
Enfin, la jeune génération et les médecins « seniors » sont en désaccord sur le modèle d’exercice à privilégier. Étudiants et internes ferraillent en faveur de l’exercice regroupé en maison de santé pluridisciplinaire (MSP) tandis que les praticiens installés doutent des bénéfices à long terme d’une telle stratégie. Est-il pertinent de développer ces structures dans des zones où exercent déjà des médecins ? Est-ce un outil suffisamment attractif dans les zones sous-dotées, dépourvues d’écoles et de services ? « Les jeunes ne dénigrent pas l’exercice libéral éloigné des villes ou en zone semi-rurale, argumente Hector Simon, interne en médecine générale et représentant régional de l’ISNIH. L’exercice y est plus riche et les patients plus disciplinés. En grande ruralité, la situation géographique des MSP modère certes leur attractivité, mais sans elles, l’avenir des populations est engagé ».
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